Juppé revient sur la relation Giscard-Chirac : "L'antagonisme était réel" mais "exagéré"

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Alain Juppé est revenu jeudi soir au micro d'Europe 1 sur la relation complexe et tumultueuse entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac. Pour l'ancien Premier ministre, si les divergences existaient bien entre les deux anciens chefs de l'État, "on a sans doute exagéré la détestation" qu'ils se vouaient mutuellement.

Elle est de ces histoires qui imprègnent la vie politique, lui donnent de l'intensité, la rythment des décennies durant. La relation de pouvoir entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac a été longuement décrite dans de nombreux ouvrages consacrés à ces deux figures de la Cinquième République, deux chefs d'États aux personnalités ambivalentes. Après la mort de "VGE", mercredi soir, l'ancien Premier ministre Alain Juppé s'est exprimé jeudi soir au micro d'Europe 1 sur ce lien qui unissait ces deux grands fauves politiques, qu'il a très bien connus.

Des "piques" exagérées chez les Sages ?

Pour Alain Juppé, "peut-être a-t-on exagéré la détestation entre les deux hommes" dans les années 1970 et 1980. "On a beaucoup dit que lorsqu'ils siégeaient ensemble au Conseil constitutionnel, c'étaient des piques permanentes… Je pense qu'on a un peu exagéré" les faits, de 2007 à 2019.

Pourtant, "l'antagonisme était réel" entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac, qui fut son Premier ministre au début de son quinquennat. Entre l'Élysée et Matignon, les relations sont exécrables et le Corrézien finit par claquer la porte du gouvernement en 1976.

Problème de "cœur"

Au cœur de la relation entre les deux hommes, "il y a eu des divergences de fond et de personnalité", marquées tout au long de leur carrière. "Les personnalités de Jacques Chirac et de Valéry Giscard d'Estaing étaient profondément différentes", insiste Alain Juppé, évoquant "l'extraordinaire machine intellectuelle" du Président élu en 1974, "qui fonctionnait de façon impressionnante".

" Sa phrase face à Mitterrand s'est un peu retournée contre lui "

"Son problème, ce n'était pas le cerveau, c'était peut-être le cœur", poursuit l'ancien Premier ministre, qui a mené campagne avec lui aux européennes de 1989. "Curieusement, la phrase dont tout le monde se souvient en 1974, 'Monsieur Mitterrand, vous n'avez pas le monopole du cœur', s'est un peu retournée contre lui. Chaque fois qu'il a pris des initiatives pour montrer qu'il était proche des gens, c'est apparu comme artificiel, pas naturel. C'était une différence avec Jacques Chirac, qui avait ce contact spontané", souligne Alain Juppé, chiraquien de toujours.

Le vrai-faux soutien de Chirac à Mitterrand

Il y a, enfin, la "bataille" de 1981. Le Président sortant, Valéry Giscard d'Estaing, affronte François Mitterrand au second tour de l'élection présidentielle. Exit Jacques Chirac, candidat du RPR contre celui qui l'avait nommé à Matignon sept ans plus tôt. Le socialiste l'emporte finalement. Avec le soutien du clan Chirac ?

C'est ce qu'a affirmé Valéry Giscard d'Estaing plusieurs années après sa défaite : l'ancien chef de l'État a raconté avoir appelé le QG de campagne du RPR, se faisant passer pour un militant "perdu" entre VGE et Mitterrand. Il lui aurait alors été conseillé de choisir le socialiste pour causer la défaite du sortant. "Si Giscard m'avait appelé, je lui aurais dit que j'allais voter pour lui", explique aujourd'hui Alain Juppé, qui rappelle aussi que "Jacques Chirac a dit qu'il aurait voté pour Giscard à titre personnel".