C'est mercredi, lors d'un comité interministériel, que le gouvernement va rendre sa copie sur l’immigration. Parmi les 20 mesures que le Premier ministre Édouard Philippe va officialiser, une modification de l'Aide médicale d'État (AME), l'instauration d'un délai de carence de trois mois avant que les demandeurs d'asile puissent accéder à la Protection universelle maladie (Puma), ou encore la mise en place de quotas d'immigration économique pour aider le recrutement dans les secteurs français à la peine. Un "tour de vis" que ne comprend pas Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile.
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Invité du Grand journal du soir d'Europe 1 mardi, l'ancien membre du conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a qualifié ces futures annonces de "mesures très idéologiques", à commencer par la mise en place de quotas économiques. "Va-t-on mettre des quotas pour des métiers en tension (là où des entreprises cherchent à embaucher mais connaissent des difficultés de recrutement, ndlr) alors que le pays traverse une crise sociale avec plusieurs millions de chômeurs ? J'en doute", analyse Pierre Henry. "Je vois mal l'intention du gouvernement : est-ce faire augmenter l'immigration économique et ainsi faire une sorte de troc contre l'immigration familiale ?", se demande-t-il encore.
"On s'adresse à un électorat représenté par une droite identitaire"
"Et puis l'idée des quotas n'est pas nouvelle", rappelle-t-il. "Dès 2008, Nicolas Sarkozy avait demandé à Pierre Mazeaud d'étudier cette possibilité, et les conclusions de son rapport étaient leur inutilité." Selon le directeur de France terre d'asile, toutes ces mesures s'inscrivent d'abord dans une stratégie politicienne. "Je pense que l'on s'adresse à un électorat particulier. Celui représenté par une droite identitaire, et par un journal dans lequel Emmanuel Macron s'est exprimé la semaine dernière", avance Pierre Henry, qui fait référence à l'interview du président de la République accordé à l'hebdomadaire Valeurs Actuelles.
Entretien dans lequel le président avait esquissé sa feuille de route sur l'immigration en évoquant notamment "les gens qui viennent avec un visa touristique, qui restent trois mois et se mettent à l'AME", des cas "indéfendables" selon lui, qui se défend "d'avoir le discours du Rassemblement national".
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"On ne demande pas à la gale ou à la tuberculose ses papiers à la frontière"
Concernant la mise en place d'une carence de trois mois avant que les demandeurs d'asile puissent accéder à la Protection universelle maladie, la position de Pierre Henry est la même que celle qu'il évoquait déjà fin septembre sur Europe 1 concernant une possible réforme de l'AME : "C'est un dispositif de santé public !". "On ne demande pas à la gale ou à la tuberculose ses papiers à la frontière", ironise-t-il. "Avec la réforme de la Puma, si un demandeur à la bronchite, il va devoir attendre trois mois pour se faire soigner, et il va falloir l'envoyer dans des services d'urgence qui sont déjà débordés !", anticipe-t-il.
Quant aux possibles abus avec le système actuel de l'AME, Pierre Henry rappelle que "cette aide représente 0,5% des dépenses de la Sécurité sociale, et 471.000 euros sur les 271 millions de fraude qui sont d'abord le fait des professions médicales". Et de conclure : "Ne nous trompons pas de cible".