La primaire, il avait été l'un des premiers à la réclamer. Arnaud Montebourg a finalement obtenu gain de cause, à la mi-juin, lorsque le Conseil national du Parti socialiste a décidé à l'unanimité d'organiser ce type de scrutin. Pourtant, l'annonce semble n'avoir pas satisfait l'ancien ministre de l'Économie, qui se montre depuis très prudent. Cette semaine, dans une interview au Monde, celui qui avait été le Monsieur made-in-France du gouvernement prévient : il ne participera à la primaire qu'à "la condition qu'elle soit loyale. Qu’elle soit une primaire citoyenne et ouverte à tous les Français qui voudront y participer". Et Arnaud Montebourg exige d'ores et déjà "10.000 bureaux de vote, le même système de parrainage et les listes électorales de la République".
Mauvais calcul. Arnaud Montebourg tenterait-il de justifier par avance pourquoi il ne participera pas ? De fait, l'ancien ministre de l'Économie n'a aucune envie de concourir. En réalité, tout comme les frondeurs socialistes qui, eux aussi, réclamaient une primaire à cor et à cris, il s'est fait piéger. Tous voyaient la primaire comme un moyen d'empêcher une nouvelle candidature de François Hollande, dont ils contestent la ligne politique. Leur calcul était simple : jamais un président de la République en exercice ne s'étant plié à l'exercice, jamais le chef de l'État ne l'accepterait.
Hollande favori. Pourtant, c'est bel et bien ce qui s'est passé. Et François Hollande, en acceptant le scrutin, a retourné l'arme contre ses adversaires. Car le but de la primaire est de rassembler la gauche derrière un candidat unique. Tous les participants potentiels, des frondeurs aux écologistes pro-gouvernement, en passant par Arnaud Montebourg et François Hollande, s'engagent, s'ils concourent, à soutenir le vainqueur. Et dans ce match à plusieurs candidatures, le président actuel, aussi impopulaire soit-il, est le favori. S'il est concurrencé à sa gauche, ce n'est pas par un front uni. Les frondeurs, divisés, s'exposent à une dispersion des voix qui favorisera François Hollande.
Le PS prépare le scrutin. Arnaud Montebourg l'a bien compris. Et explique donc que l'organisation de la primaire, tronquée, ne permettra pas un affrontement loyal. Justifiant ainsi qu'il n'y participe pas. Mais, là encore, l'ancien ministre de l'Économie pourrait se retrouver piégé. Car le PS est probablement en mesure de lui offrir des 10.000 bureaux de vote qu'il réclame. Certes, le parti a perdu les municipales, les départementales et les régionales, il va donc lui falloir mettre les bouchées doubles pour trouver des salles et des militants pour tenir les bureaux de vote. Tout cela va prendre du temps, et les socialistes ne sont pas en avance sur leur calendrier. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, avait d'ailleurs préparé les esprits, le 18 juin dernier, anticipant que la primaire ne rassemblerait "pas autant de votants" qu'en 2011. "Nous sommes obligés de faire une primaire dans l'urgence", avait-il justifié.
"On lui rédigera nous-mêmes ses professions de foi". Mais selon un dirigeant socialiste, cela reste largement faisable. Le PS a pour lui l'expérience, après la première édition en 2011. Le comité de pilotage de la primaire se réunira avant la mi-juillet pour fixer sa feuille de route. "Arnaud Montebourg aura ses 10.000 bureaux de vote", promet un fin connaisseur de la machine. "S'il le faut, on lui rédigera et on lui imprimera nous-mêmes ses professions de foi." Tout est fait en concertation avec l'Élysée, où se trouve aujourd'hui l'un des meilleurs avocats de la primaire : François Hollande.
Arnaud Montebourg pourrait-il quand même se soustraire à l'exercice ? C'est très délicat. Car le grand inventeur de la primaire en France, celui qui l'a imposée dans la vie politique avec le soutien du think tank progressiste Terra Nova, celui qui, en 2009, avait même menacé de démissionner du PS s'il n'y avait pas de primaire ouverte pour 2012, c'est Arnaud Montebourg.