Dès l'été dernier, il s'annonçait comme l'un des thèmes phares des campagnes électorales à venir. Depuis, l'intérêt des figures politiques pour le revenu universel ne s'est pas démenti. Après avoir été évoqué par Nathalie Kosciusko-Morizet, le voilà brandi par deux candidats à la primaire de la gauche. Benoît Hamon et Jean-Luc Bennahmias. Leurs adversaires ont sonné la charge contre une mesure qu'ils jugent à la fois irréalisable car trop coûteuse et moralement non souhaitable. Manuel Valls a ainsi fustigé mardi le risque d'une "société de l'assistanat".
Ce que souhaitent Benoît Hamon et Jean-Luc Bennahmias, c'est une somme versée à tous, de manière inconditionnelle. Le premier explique ainsi vouloir "éradiquer la grande précarité" et surmonter un problème qui, selon lui, finira par se poser tôt ou tard : la "raréfaction probable du travail liée à la révolution numérique".
Trop cher. Pour leurs adversaires, le premier angle d'attaque est celui du coût d'un tel dispositif, estimé à 300 milliards d'euros par l'ancien ministre. "L'équivalent de la totalité du budget de l'État", a souligné Arnaud Montebourg la semaine dernière sur RTL. "Cela me paraît irréalisable." Si c'est grâce à l'impôt qu'il est possible de financer la mesure, le chantre du Made in France estime aussi que ce serait complètement contre-productif. "Si cela a pour conséquence d'augmenter de 50% la totalité des impôts du pays, cela n'a pas de sens", a-t-il martelé sur LCI. Benoît Hamon, de son côté, propose d'y aller progressivement pour ménager les dépenses publiques, avec une première étape qui ne coûterait "que" 45 milliards d'euros, à récupérer grâce à une refondation de l'impôt sur le patrimoine.
"Assistanat". Mais le coût du revenu universel n'est pas le seul point de friction. Arnaud Montebourg, Vincent Peillon comme Manuel Valls sont aussi opposé sur le fond à l'introduction d'une telle mesure. Ce dernier a pilonné l'idée, mardi, sur France Info. "Je suis pour une société du travail, de la solidarité. Je ne suis pas pour une société de l'assistanat ou du farniente." "Assistanat", le mot est lancé. Qui plus est, par un ancien Premier ministre qui jugeait le terme "terrible et méprisant" lorsqu'il était utilisé par la droite. Même Henri Emmanuelli, ancien premier secrétaire du PS qui a apporté mardi son soutien à Benoît Hamon, n'est "pas du tout d'accord" avec ce projet "déresponsabilisant" de revenu universel.
"Je suis pour une société du travail, de la solidarité, pas une société de l'assistanat" #Valls2017#8h30Aphatie
— AvecMV - #Valls2017 (@avecMV) 10 janvier 2017
Un "effet d'exclusion". Arnaud Montebourg n'est pas plus tendre, estimant qu'un revenu universel nuirait à la "dignité du citoyen", qui lui est aujourd'hui conférée par le travail. Pour Christian Paul, soutien de l'ancien ministre du Redressement productif, ce dispositif est même "une façon d'accepter le chômage de masse". Quant à Vincent Peillon, il "craint épouvantablement l'effet d'exclusion", comme il l'a expliqué dans La Vie. "L'idée sous-jacente : c'est le revenu minimum pour tout le monde et puis je ne m'occupe plus de toi. Je suis inquiet de cette démarche sur la conception même de la solidarité."
Tous préfèrent s'en tenir à une réforme des minima sociaux. En les fusionnant, comme le propose Manuel Valls, pour créer un "revenu minimum décent" de 800 euros mensuels versé sous condition de ressources. Avec "un modèle social renforcé, étendu", a prôné Arnaud Montebourg sur LCI.
Différence de philosophie. C'est donc bien un fossé philosophique qui sépare Benoît Hamon ou Jean-Luc Bennahmias et leurs adversaires. Plus qu'un moyen de lutter contre la pauvreté, les promoteurs du revenu universel à gauche estiment que ce dispositif va, comme l'explique l'ancien ministre de l'Éducation nationale, "contribuer à définir un nouveau rapport au travail et au temps libre". S'ils bénéficient de cette somme mensuelle, les citoyens pourront se "libérer" de l'obligation d'un emploi insatisfaisant pour en choisir un autre, créer une entreprise, voire "s'épanouir dans d'autres activités que l'emploi", argumente Benoît Hamon. Une véritable "révolution sociale".
Le candidat reprend là un argument développé par l'économiste Bernard Maris, également favorable au revenu universel. Pour ce dernier, cette mesure "est, tout simplement, un droit à l'autonomie", une manière pour chacun de "choisir son temps". Un postulat au moins aussi philosophique qu'économique. Mais difficile à faire valoir comme argument électoral.