Le MoDem a mis en place un "système ancien et plus ou moins informel" de détournement des fonds européens pour salarier ses employés, conclut la police anticorruption dans un rapport synthétisant quatre ans d'investigations dans lesquelles François Bayrou et plusieurs ex-eurodéputés sont mis en examen depuis fin 2019.
J'apprends par un article du Monde (toujours le secret de l'instruction scrupuleusement respecté...) qu'un rapport d'enquête mettrait en cause le MoDem. J'affirme une fois de plus que ces accusations sont malveillantes et que ces allégations sont fausses. Et cela sera prouvé.
— François Bayrou (@bayrou) June 2, 2021
"J'affirme une fois de plus que ces accusations sont malveillantes et que ces allégations sont fausses. Et cela sera prouvé", a réagi mercredi sur Twitter le président du parti centriste lors de la publication par Le Monde d'extraits de ce rapport de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (Oclciff), chargé de cette affaire de soupçons d’emplois fictifs d'assistants d'eurodéputés.
A un an de la présidentielle, la révélation de cette synthèse de 29 pages, après presque 18 mois de poursuite discrète des investigations depuis la mise en examen du maire de Pau, remet en lumière un dossier embarrassant pour le Modem, principal allié du président Emmanuel Macron.
Un système "ancien et plus ou moins informel"
Dans ses conclusions, datées du 14 avril et consultées par l'AFP, l'Oclciff estime que "pour faire vivre son parti et assurer son fonctionnement à moindre coût, François Bayrou et Marielle de Sarnez, épaulés par les cadres du parti ont mis au service de l'UDF, puis du MoDem, des assistants parlementaires rémunérés par le Parlement européen".
Les policiers anticorruption décrivent "un système ancien et plus ou moins informel" qui "ne reposait pas sur une méthode monolithique et systématique". "Il évoluait au fil du temps et relevait de l'opportunité des situations tout en respectant un budget déterminé", est-il écrit.
Les enquêteurs expliquent que "les collaborateurs parlementaires détournés disposaient d'un contrat de travail à temps partiel avec le parti et un autre avec l'élu européen, 'endormant' ainsi la vigilance des services du Parlement européen".
Un préjudice évalué à 1,4 million d'euros
Cette méthode rendait "très malaisés d'éventuels contrôles ou vérifications" sur la réalité du travail des assistants d'eurodéputés, puisqu'ils exerçaient "ces doubles emplois" en étant "physiquement situés dans les locaux de l'UDF et du Modem" à Paris.
Le rapport évalue le préjudice du Parlement européen à 1,4 million d'euros. Il intègre toutefois dans ce chiffre l'intégralité (400.000 euros) de la rémunération des assistants ayant tout de même partiellement travaillé pour les eurodéputés, souligne son auteur.
Le rapport suggère des poursuites judiciaires
Au final, l'Oclciff suggère des poursuites judiciaires pour "détournement de fonds publics" - infraction susceptible d'entraîner une peine d'inéligibilité - contre neuf ex-eurodéputés, dont Sylvie Goulard, Nathalie Griesbeck, Jean-Luc Bennahmias et Robert Rochefort.
Les policiers estiment aussi possible de poursuivre trois cadres du parti pour "complicité" de ce délit. Ils évoquent enfin d'éventuelles poursuites pour "recel" contre les anciens assistants ainsi que contre le MoDem, son président, son ex-directeur financier et plusieurs autres personnes.
Pour le "recel", les policiers retiennent aussi le nom de l'actuel ministre des relations avec le Parlement et candidat aux élections régionales, Marc Fesnau, au titre de ses anciennes fonctions de secrétaire général du MoDem.
Mais le dernier mot reviendra aux juges d'instruction, qui ont déjà engagé des poursuites en ordonnant les mises en examen, dès novembre-décembre 2019, d'une quinzaine de personnes - eurodéputés, cadres ou ex-cadres du parti - la plupart pour "détournement de fonds publics" ou "complicité". Parmi eux, François Bayrou, son bras droit Marielle de Sarnez (décédée le 13 janvier) ainsi que l'ex-garde des Sceaux Michel Mercier.
Cette récente synthèse de police, qui complète les précédents rapports de l'Oclciff de juin et octobre 2018 ayant ouvert la voie aux premières mises en examen, est d'ailleurs adressée à la juge d'instruction Noémie Nathan, qui a repris en 2020 la tête de ces investigations menées avec deux autres magistrats du pôle financier du tribunal de Paris.