Marine Le Pen a estimé que les juges français étaient "radicalement incompétents", au vu du "principe de séparation des pouvoirs", pour enquêter sur l'affaire des assistants d'eurodéputés FN, dans sa déclaration lue devant les juges le 30 juin, a indiqué lundi à l'AFP une source proche du dossier.
Un texte plutôt que des réponses aux questions. Convoquée ce jour-là pour être mise en examen, la présidente du Front national n'avait pas répondu aux questions mais avait lu un texte comme la loi le permet. À ses yeux, "l'autorité judiciaire" ne pourrait "s'ériger en arbitre du contenu du travail politique d'un député et de son bien-fondé. Sauf à contrevenir au principe de séparation des pouvoirs", a-t-elle déclaré aux magistrats financiers Renaud Van Ruymbeke et Claire Thépaut qui ont repris le dossier en décembre après une enquête du parquet de Paris. "Je ne saurais, à l'instar de tout député, recevoir des instructions quant aux modalités et au contenu de mon travail parlementaire, fut-ce au travers de règles administratives internes" au Parlement européen, a aussi dit la présidente du FN, en évoquant des dispositions restrictives.
Marine Le Pen conteste les faits avec "fermeté". L'ex-eurodéputée, élue en juin députée à l'Assemblée nationale, a été mise en examen pour "abus de confiance". Elle est soupçonnée d'avoir utilisé entre 2009 et 2016 des fonds européens afin de rémunérer sa cheffe de cabinet au FN Catherine Griset et son garde du corps Thierry Légier. Également mise en examen pour "complicité d'abus de confiance", elle est suspectée d'avoir "donné des instructions afin que des députés européens du Front national engagent en qualité d'assistants parlementaires des personnes occupant en réalité des emplois" au sein du parti, selon une source proche du dossier. Des faits qu'elle conteste avec "fermeté". "J'assume en revanche avoir durant la période concernée eu une activité politique et employé des assistants pour ce faire", a-t-elle affirmé dans sa déclaration.
La Cour d'appel doit examiner la validité de l'enquête. Selon elle, lorsque les assistants "n'étaient pas strictement occupés à des tâches parlementaires, ils pouvaient à la demande de leur député travailler pour le parti dont les députés sont tous membres", a-t-elle dit. Ses avocats ont déposé des recours devant la Cour d'appel de Paris, l'un pour demander la suspension de l'instruction, l'autre pour contester la validité de l'enquête. Le premier a été rejeté la semaine dernière selon une source judiciaire, le second doit être examiné. "J'attendrai l'arrêt de la chambre de l'instruction avant de répondre à vos questions sur le fond", avait-elle écrit aux juges.
Un préjudice évalué à 5 millions d'euros. Les magistrats soupçonnent le parti d'extrême droite d'avoir mis en place un système pour faire prendre en charge la rémunération de ses permanents avec des fonds du Parlement européen en les faisant salarier comme assistants d'eurodéputés. L'institution évalue son préjudice à 5 millions d'euros. Dix-sept eurodéputés ou ex-eurodéputés FN, dont Jean-Marie Le Pen, sont concernés par cette enquête, ouverte en 2015, qui porte sur au moins une quarantaine d'assistants. Outre la présidente du FN, une eurodéputée et deux assistants parlementaires ont déjà été mis en examen.