Ils étaient une dizaine, lundi soir à La Tronche, près de Grenoble, à se retrouver autour de Marie Kervéréguin, candidate aux législatives dans la première circonscription de l'Isère. Et les militants Front national venus assister à une réunion "Marine Présidente" en ont évidemment profité pour parler de ce qui agite, en ce moment, la tête de leur parti : l'opposition, parfois frontale, entre Marion Maréchal-Le Pen, députée du Vaucluse, et Florian Philippot, vice-président du FN et proche de Marine Le Pen.
Affrontements sur l'IVG. Depuis plusieurs jours en effet, les deux responsables frontistes se déchirent sur la question du remboursement de l'IVG. Marion Maréchal-Le Pen souhaite revenir sur ce remboursement "intégral et illimité", ce qui a fait bondir le bras droit de Marine Le Pen. Ce dernier a affirmé que la jeune députée était "seule" et "isolée" sur la question. La réponse est venue, cinglante, dans le JDD ce week-end : "quand on définit la ligne du FN ou qu’on décide d’un changement stratégique, on le fait dans les instances du parti, on ne le fait pas tout seul sur BFM TV."
"On a le droit d'avoir des idées différentes". En Isère, certains ont déjà choisi leur camp. C'est le cas de Thibaut Monnier, responsable départemental frontiste, qui a récemment apporté son soutien à Marion Maréchal-Le Pen dans un tweet.
"une personne seule et isolée" au sein du #FN: ben non, on est déjà 2! Manifestez votre soutien à @Marion_M_Le_Pen ! pic.twitter.com/0fIwG1xZSz
— Thibaut Monnier (@MonnierThibaut) 7 décembre 2016
Marcel, un militant, se dit lui aussi "personnellement plutôt du côté de Marion Maréchal". Mais il ne voit pas pour autant de divisions profondes. "On a le droit d'avoir des idées différentes au Front national", estime-t-il. Marie de Kervéréguin ne dit pas autre chose. "On ne ressent absolument pas" de clivages au sein du parti, assure-t-elle. "Certaines personnes penchent plus d'un côté ou de l'autre, mais au niveau de la ligne, c'est la même. On a vraiment l'objectif de rester unis, on sait que c'est important. On ne veut pas entrer dans le jeu désagréable des uns et des autres qui cherchent à exciter les différences. Ce ne sont pas vraiment des courants, mais des positionnements. Il n'y a pas de problèmes."
"C'est possible que ça pose des problèmes". Pas de problèmes, donc, mais peut-être quand même un débat, que tous souhaiteraient reporter après le printemps, afin d'avancer sous la même bannière pour les élections. "C'est possible que ça pose des problèmes par la suite", reconnaît ainsi Marcel. Mais "il faut d'abord faire les présidentielles, les législatives, et après on verra". Marine Le Pen, elle aussi, a sonné la fin de la récréation et appelé à l'unité dimanche, demandant à tous de ne pas "tomber dans ce genre de chicayas".
Lignes de fracture. Ce n'est pas la première fois que des débats de fond semblent questionner le positionnement idéologique du Front national. Sur la question de la sortie de l'euro par exemple, ardemment défendue en 2012 et depuis nettement moins mise en avant, tous les responsables ne sont pas d'accord. Les thèmes sociétaux, comme l'avortement, ont déjà été l'occasion de plusieurs passes d'armes entre les tenants d'une ligne conservatrice, rangés derrière Marion Maréchal-Le Pen, et les proches de Florian Philippot. Les premiers accusent les seconds de dévoyer l'ADN du FN, tandis que les seconds rétorquent aux premiers qu'ils empêchent de toucher un électorat plus large.
Ces lignes de fracture, conséquences de l'opération de dédiabolisation entreprise par Marine Le Pen, sont de plus en plus saillantes et se doublent désormais d'inimitiés personnelles. Comme le souhaitent les militants isérois, la clarification ne devrait cependant pas intervenir avant le prochain Congrès du parti.