Forcément, c'est différent. Entre temps, la présidentielle est passée. Et elle a été perdue. Marine Le Pen, qui avait arpenté l'année dernière le Salon de l'agriculture avec le statut de favorite du premier tour, est revenue dans les travées, mercredi, en tant que simple présidente du Front national. Si elle a évité les casseroles qui l'avaient accueillie il y a un an, la députée du Pas-de-Calais ne s'est pas non plus illustrée par sa grande proximité avec les agriculteurs.
Difficile d'accès. Quand Laurent Wauquiez a passé une dizaine d'heures mardi à discuter avec tous les exposants auvergnats mais sans répondre aux questions politiques des journalistes, Marine Le Pen, elle, a fait l'inverse. Entourée d'une armada de conseillers et de gardes du corps, ce qui l'a parfois rendue difficile d'accès, la présidente frontiste n'a pas hésité à parler du congrès de son parti, lors duquel elle "présentera le nouveau nom" du FN, ou du dernier billet de blog de Jean-Luc Mélenchon ("il s'aperçoit qu'il peut être aussi victime de campagnes extrêmement violentes…"). En revanche, les échanges avec les agriculteurs sont restés succincts.
"J'ai été assez déçu par son débat". Pourtant, la présidente frontiste n'est pas la plus mal placée pour parler au monde rural. Ses positions fermes vis-à-vis de l'Union européenne et son protectionnisme économique font écho aux revendications de nombreux agriculteurs. Il y a un an, les vagues de sondage du Cevipof pour Le Monde montraient que Marine Le Pen arrivait en tête des intentions de vote chez cet électorat. Et de très, très loin. Un an après, certains ne cachent pas leur désillusion, à l'instar de Guillaume, rencontré sur le Salon. "J'ai été assez déçu par son débat d'entre-deux tours", reconnaît l'agriculteur normand. "Dans quatre ans, on ne sait pas si c'est elle qui va se présenter. Elle a dit que quelqu'un pourrait la remplacer, ça ne la dérangerait pas. On va bien voir."
"Le monde rural, c'est chez moi". Marine Le Pen a même été sortie d'un stand par un exposant pro-Macron trouvant "inadmissible que personne ne la siffle". Ce qui n'a pas empêché la présidente du Front national de revendiquer un ancrage agricole. "Oui, le monde rural c'est chez moi", a-t-elle déclaré. "Je n'ai pas envie de voir détruire mon chez moi, comme des millions de Français n'ont pas envie de voir disparaître l'agriculture." Et la fille de Jean-Marie Le Pen de promettre qu'elle se battra "aux côtés" des agriculteurs "pour éviter que monsieur Macron et ses complices des Républicains transforment le Salon de l'agriculture en musée. Parce qu'objectivement, entre le CETA, le Mercosur et la baisse programmée des aides de la PAC [Politique agricole commune], le plan social massif de l'agriculture finit sur un massacre."
Macron et Wauquiez dos à dos. La présidente du Front national n'a, de fait, pas cessé de renvoyer Emmanuel Macron et Laurent Wauquiez dos à dos sur le sujet des traités de libre-échange. "Quand j'entends monsieur Wauquiez dire qu'il va défendre les agriculteurs contre la concurrence déloyale…", a-t-elle soupiré. "Il y a un an pile, il y a eu un vote sur le CETA au Parlement européen. Tous les députés européens LR ont voté pour, cinq se sont abstenus et deux avaient piscine." Un positionnement classique pour Marine Le Pen, qui fait depuis toujours le pari que les électeurs préfèreront l'original frontiste à la copie de la tendance "droite dure" des Républicains.
La présidente frontiste, restée jusqu'en milieu d'après-midi sur le Salon, a pris du temps pour discuter avec l'interprofessionnelle bovine, avant de quitter le Hall 1 du Parc des Expositions sous un mélange de sifflets tièdes et d'applaudissements pas très convaincus. Assez symbolique de l'accueil qui lui aura été réservé tout au long de cette édition.
Quelques sifflets et quelques applaudissements quand @MLP_officiel quitte le hall 1 du #SIA2018. pic.twitter.com/VJbAFaptHP
— Alex Sulzer (@Alexsulzer) 28 février 2018