Après trois jours et demi d'auditions houleuses, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale a subi un nouveau coup d'éclat, jeudi après-midi. À l'issue des deux auditions de la journée, le co-rapporteur LR, Guillaume Larrivé, a suspendu sa participation.
"Une parodie". "Je suis contraint de suspendre ma participation" à ce "qui n'est, hélas, qu'une parodie", a lancé l'élu de l'Yonne. Selon lui en effet, les députés de la majorité, et notamment la présidente de la commission des Lois et co-rapporteure, Yaël Braun-Pivet, "entravent" le bon déroulement des travaux de la commission d'enquête. Le tout, sur ordre de l'exécutif. "Est-ce que l'Élysée souhaite torpiller les travaux de notre commission ? Je le crains, je le crois", a déclaré Guillaume Larrivé.
Désaccords sur les auditions. Cette implosion de la commission d'enquête était plus que probable, tant les auditions de lundi, mardi et mercredi s'étaient déroulées dans une ambiance électrique. À plusieurs reprises, les députés d'opposition ont contesté la gestion des débats, accusant la présidente de la commission des Lois de ne pas suffisamment distribuer la parole, et la majorité dans son ensemble de faire obstruction. De leur côté, les députés LREM n'ont cessé de dénoncer les "postures" de leurs opposants.
Le principal grief de l'opposition était celui de la liste des personnes auditionnées : alors que différents groupes réclamaient son élargissement, afin notamment de pouvoir entendre Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée, Bruno Roger-Petit, porte-parole d'Emmanuel Macron, ou encore Christophe Castaner, numéro un du mouvement LREM, les députés de la majorité s'y sont opposés. Mercredi, un vote de la commission des Lois sur cette fameuse liste a hérissé toute l'opposition. Étant majoritaires, les députés LREM ont en effet approuvé seulement trois auditions supplémentaires, dont deux étaient en réalité la réécoute de personnes déjà entendues. Devant les caméras, nombre d'élus de tous bords ont dénoncé une entrave de la commission d'enquête.
LFI suspend aussi sa participation. La suspension de la participation de Guillaume Larrivé s'accompagne de celle de l'ensemble des députés LR de la commission d'enquête. Leur groupe a par ailleurs prévu de déposer vendredi une motion de censure contre le gouvernement, afin d'obliger celui-ci à venir s'expliquer dans l'Hémicycle la semaine prochaine. Avant le co-rapporteur, le député Insoumis Eric Coquerel a, lui aussi, annoncé la suspension de la participation de son groupe, dénonçant une "mascarade".
"Nous ne recevons d'ordre de personne". Attaquée de toutes parts, Yaël Braun-Pivet s'est défendue de toute ingérence de l'Élysée dans les travaux de la commission. Rappelant qu'un vote avait eu lieu mercredi, elle a regretté que son co-rapporteur lui soumette une liste de personnes à auditionner en faisant fi de la pertinence de ces auditions. "Nous ne recevons d'ordre de personne", a-t-elle martelé, se disant "choquée" des accusations d'obstruction. Mercredi déjà, la présidente de la commission des Lois avait jugé "ahurissants" les propos de ses collègues qui accusaient la majorité parlementaire d'être à la botte de l'exécutif.
Il reste encore à la commission d'enquête de l'Assemblée une audition à mener : celle, vendredi à 14 heures, de Pierre Leleu, commandant divisionnaire et commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune. C'est cette unité qui était présente le 1er mai place de la Contrescarpe, là où Alexandre Benalla a été filmé en train de s'en prendre à un couple.
Deux salles, deux ambiances. La commission d'enquête du Sénat, elle, poursuit également ses travaux. Les sénateurs, qui ont déjà vu Alexis Kohler jeudi, prévoient de convoquer la semaine prochaine Christophe Castaner, ainsi que le directeur de cabinet et le chef de cabinet du ministre de l'Intérieur. La différence de gestion des travaux entre la commission du Palais du Luxembourg et celle du Palais Bourbon a d'ailleurs maintes fois été mis en exergue par les députés de l'opposition pour appuyer leurs demandes d'audition. Selon eux, cette différence est bien liée au fait que le Sénat est majoritairement entre les mains d'un parti d'opposition (LR).