La semaine dernière, il avait fait irruption sur le chantier nocturne du métro parisien. Mercredi, c'est au marché d'Alfortville, dans le Val-de-Marne, que Benoît Hamon a été vu, à l'aube, pour discuter avec commerçants. Entre les deux, il a été aperçu dans une ferme bio en Seine-et-Marne et en meeting à Guéret, dans la Creuse. Des déplacements calibrés par l'équipe du candidat, qui se veulent novateurs mais laissent une partie des socialistes perplexes.
"Déborder" des cadres traditionnels. Pour Benoît Hamon et ses proches, tout cela est très logique. Chaque déplacement permet de faire émerger un thème de campagne. "On veut arrimer le programme à ce que vivent les gens. Par exemple, on va voir des travailleurs de nuit dans le métro pour montrer que la notion de travail n'est pas la même pour tout le monde", explique Nicolas Matyjasik, coordinateur du projet du candidat. "Cela permet de parler transport, garde d'enfants, salaire, pénibilité et souffrance au travail", abonde Jérôme Guedj, l'un des porte-paroles de Benoît Hamon. Qui prévient : "il y aura un déplacement de ce type [de nuit] par semaine." L'idée, précise Nicolas Matyjasik, est de faire une campagne "un peu hors-cadres", qui "déborde" des traditionnels meetings et prises de parole institutionnelles. Benoît Hamon a ainsi réservé sa grande interview de presse écrite à un magazine culturel, Les Inrocks.
"À force de jouer le décalage, on finit par sortir du jeu." Quitte à ne pas calmer les inquiétudes de certains socialistes qui, ces derniers jours, font part de leurs inquiétudes dans la presse. Pour eux, la campagne de Benoît Hamon serait trop lente, trop douce, pas à même d'en faire un "présidentiable". "Faut qu'il s'y mette maintenant", s'agace un membre du gouvernement dans Le Parisien jeudi. "On est ravis qu'il aille dans une ferme bio en Seine-et-Marne, mais lundi, en pleine crise des banlieues, il aurait pu choisir autre chose ! À force de jouer le décalage, on finit par sortir du jeu."
"Prolongement" de la primaire. Des critiques balayées par Jérôme Guedj. "Ce n'est pas parce qu'on fait campagne différemment qu'il n'y a pas de campagne. On a des élus qui n'avaient pas vu ça comme ça, mais on trace notre sillon." Certes, Benoît Hamon a peu de temps avant la présidentielle. Deux mois seulement, la faute à un calendrier serré, calibré pour un président sortant et pas pour le "petit Ben" que personne n'avait vu remporter la primaire. Mais "la campagne de fond de la primaire n'est pas à passer en pertes et profits", veut croire Jérôme Guedj. "Cela a permis à Benoît Hamon de parler aux électeurs, et pas seulement ceux de gauche." Désormais, il lui faut s'inscrire "dans le prolongement" de cette primaire qui lui a été favorable.
" Ce n'est pas parce qu'on fait campagne différemment qu'il n'y a pas de campagne. "
Déplacements à l'étranger. D'autres sujets vont venir s'ajouter à ceux déjà amplement développés, notamment le travail et le revenu universel. Vieillissement, perturbateurs endocriniens, garde d'enfants… un "enrichissement" doit aboutir à "un programme le plus précis et le plus pertinent possible", indique Nicolas Matyjasik. L'Union européenne aussi, avec les déplacements à l'étranger qui vont avec. Benoît Hamon sera ainsi vendredi et samedi au Portugal, ce qui n'a rien d'anodin. Le pays est dirigé par une coalition de gauche. De quoi faire rêver le candidat socialiste qui envisageait une alliance avec Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Ira-t-il ailleurs en Europe ? "Cela fait partie des choses possibles", glisse seulement Jérôme Guedj. Possible aussi, un voyage au Sénégal, "terre d'enfance de Benoît".
Aller chercher chez Mélenchon et chez Macron. Où qu'il aille, le candidat doit désormais élargir sa base électorale. "Il va falloir aller chercher une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et leur expliquer qu'ils peuvent retrouver chez Benoît Hamon des idées qui leur importaient", explique Jérôme Guedj. "Avec, en plus, cette capacité de rassembler la gauche que n'a pas le leader de la France Insoumise". Sur l'aile droite, le député est persuadé que certaines personnes aujourd'hui intéressées par la candidature d'Emmanuel Macron peuvent aussi être ralliées. "Est-ce qu'ils veulent d'une gauche qui propose 60 milliards d'euros d'économies, c'est-à-dire pas loin de ce que propose François Fillon [le vainqueur de la primaire à droite a promis 100 milliards] ? De quelqu'un qui estime que la manif pour tous a été humiliée ?"
Renouvellement. Benoît Hamon a un avantage pour lui : il incarne ce renouvellement que les électeurs ont semblé réclamer en évinçant tour à tour des primaires Cécile Duflot, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et Manuel Valls. "Contrairement à Emmanuel Macron, le renouvellement de Benoît Hamon est celui des idées", martèle Jérôme Guedj. "Il se passe quelque chose. Je le dis d'autant plus facilement que je ne le soutenais pas au premier tour", note celui qui s'était d'abord rangé derrière Arnaud Montebourg. Ce renouvellement de fond s'accompagnera d'un renouvellement de forme, promet l'entourage de Benoît Hamon. Avec, par exemple, l'utilisation de la diffusion de vidéos live sur Facebook. "Ce n'est pas un gadget technique, cela permet d'aller chercher ceux qui ne lisent pas Le Monde ou Libération", justifie Nicolas Matyjasik. "La politique appartient à tout le monde."