Cela fait bien longtemps que le cas Karim Benzema a dépassé la simple sphère sportive. Depuis la divulgation de l’affaire de la "sextape" de Mathieu Valbuena en octobre 2015, l’attaquant international du Real Madrid alimente la chronique judiciaire. Et, peu à peu, le monde politique s’en est emparé. C’est encore plus saillant à l’approche de l’Euro 2016, organisé en France entre le 10 juin et le 10 juillet prochain.
Nombre de personnalités, dont des ministres, ont fait part de leur avis, souvent négatif, à l'encontre d'un éventuel rappel de Benzema, à tel point que François Hollande en personne a dû siffler la fin de la récréation. Depuis, le ton semble d'ailleurs avoir changé.
Ménager l’opinion… et Noël Le Graët. Si François Hollande veut mettre fin aux critiques de son camp à l’encontre de Karim Benzema, c’est sans doute pour deux raisons. D’abord, pour ne pas mettre dans l’embarras Noël Le Graët, président de la Fédération française de football et soutien indéfectible du chef de l’Etat. C’est lui qui devra trancher, d’ici au 15 avril, sur le statut de sélectionnable de l’attaquant. Si d’aventure il décidait que le joueur du Real pouvait rejouer en Bleu, il risquerait de se mettre en porte-à-faux du gouvernement.
Mais François Hollande sait aussi (et surtout) qu’un beau parcours de l’équipe de France, voire une victoire finale, peut lui profiter. Le souvenir de la Coupe du monde 1998 est certes lointain, mais personne n’a oublié, parmi le personnel politique, à quel point le succès des Bleus face au Brésil a profité au président de l’époque, Jacques Chirac, qui a vu sa popularité rebondir.
En outre, l’équipe de France championne d’Europe, voilà qui mettrait un frein à la morosité ambiante. Dès lors, le chef de l’Etat ne veut pas voir une éventuelle affaire Benzema ternir la fête. Même s’il est sélectionné, il faudra faire corps derrière les Bleus.
Valls et Kanner parmi les 66 millions de sélectionneurs. Avant chaque compétition internationale, les débats font toujours rage sur la composition de l’équipe de France, et les 66 millions de sélectionneurs s’écharpent. Cette fois, le cas Benzema est particulier. Plus fort que jamais sur la pelouse, l’attaquant a vu son image largement entachée par sa mise en examen pour complicité de chantage et association de malfaiteurs pour une affaire de "sextape" dont la victime n’est autre que son coéquipier en équipe de France, Mathieu Valbuena. Si plus rien juridiquement n’empêche les deux joueurs de se rencontrer, et donc d’être sélectionnés en Bleu, ni l’un ni l’autre n’ont revêtu le maillot tricolore depuis la divulgation de l’affaire.
Et pour certains politiques, il faut que ça dure concernant le joueur du Real Madrid. Depuis octobre 2015, Manuel Valls, Patrick Kanner (le ministre des Sports), Nadine Morano, Robert Ménard, Marine Le Pen ou encore Nicolas Sarkozy ont tous donné leur avis, souvent négatif, sur la question. Plus récemment, à la mi-mars, le Premier ministre et le ministre des Sports ont répété que selon eux, les conditions n’étaient "pas réunies" pour un retour de Karim Benzema en équipe de France. Et puis François Hollande s’en est mêlé.
Coup de gueule et changement de ton. Et à en croire Le Canard Enchaîné du 23 mars, le président de la République n’y est pas allé de main morte. "Maintenant, vous arrêtez vos conneries !", aurait-t-il lancé à ses ministres. Le message est semble-t-il passé. Jeudi, Jean-Yves Le Drian, invité d’Europe 1, a adopté la ligne présidentielle. "J'aime bien Karim Benzema. Je souhaite surtout que l'équipe de France soit très performante, s'il peut y contribuer, c'est très bien", a sobrement contenté le ministre de la Défense, par ailleurs très proche du chef de l’Etat.
Le Drian : "J'aime bien Karim Benzema"par Europe1fr