Etrange passation des pouvoirs mercredi à Bercy, au lendemain de la démission d’Emmanuel Macron. Le désormais ex-ministre de l’Economie passait en effet la main à l’un de ses collègues déjà en place, Michel Sapin qui, en plus des Finances, récupère les prérogatives du partant. Un départ donc, mais pas d’arrivée, sinon celle annoncée d’un secrétaire d’Etat dans les heures qui viennent. Naturellement, Emmanuel Macron a fait part de son émotion au moment de quitter le grand ministère de Bercy. Michel Sapin, lui, a profité de ce moment d’ordinaire très policé pour glisser quelques messages à celui qui a de plus en plus de mal à cacher ses ambitions pour la présidentielle de 2017.
"De la grandeur dans ceux qui restent". Difficile ainsi de ne pas voir un semblant de reproche du départ prématuré d’Emmanuel Macron dans les premières phrases de Michel Sapin. "Il y avait de l’émotion et de la grandeur dans ces mots de départ. Sachez qu’il y aussi de l’émotion et de la grandeur dans ceux qui restent", a lancé le ministre de l’Economie et des Finances. "La France a besoin de talent, tu en as, la France a aussi besoin de stabilité dans sa gestion, dans son administration, de la mise en œuvre des décisions", a-t-il insisté. Puis, plus tard : "La réforme est indispensable jusqu’au bout, jusqu’au dernier moment". Michel Sapin a aussi fait une allusion à peine voilée à la tendance d’Emmanuel Macron de donner son avis à tort à et travers. "Je veux dire, au-delà de ta personne, au-delà de tes engagements, au-delà de ta fougue à parler de tous les sujets, dans tous les domaines, combien ton travail ici a été profondément utile", a-t-il lâché.
"Il y aura du Macron 2, du Macron 3". Finalement, chaque compliment de Michel Sapin à Emmanuel Macron cachait une mise en garde ou en rappel. "Nous avons travaillé dans un climat de confiance exceptionnelle pour construire un projet qui a été porté par un homme, François Hollande, par un candidat, par un président de la République", a déclaré le toujours ministre à l’ancien, lui rappelant ainsi son devoir de loyauté. Et d’ailleurs, l’homme fort de Bercy semble estimer que l’avenir d’Emmanuel Macron se jouerait non pas à l’Elysée, mais dans les ministères, quand il évoque la loi Macron, "une grande et belle loi". "Je ne sais pas pourquoi des lois parfois portent le nom des ministres. Les ministres eux-mêmes ne le savent pas très bien. Ça t’arrive, ça m’arrive. Je suis d’ailleurs persuadé qu’il y aura du Macron 2, du Macron 3, il faut encore attendre quelques années", a-t-il glissé.
"J’ai le sentiment qu’on continuera à entendre parler de toi". Michel Sapin sait tout de même bien qu’il faudra désormais compter avec Emmanuel Macron. "Je ne sais pas pourquoi, j’ai le sentiment qu’on continuera à entendre parler de toi. Tant mieux", a-t-il lancé dans un sourire. Avant de mettre en garde : "Je souhaite, je sais, que ce sera pour l’intérêt général, dans l’intérêt du progrès, des progressistes, et comme j’ai de ce point de vue-là une culture un peu primaire, de la gauche. Bonne chance pour toi. Et je souhaite que le bonne chance pour toi soit une bonne chance pour nous tous", a-t-il conclu.