De coup de gueule en recadrage, les passes d'armes entre le général Pierre de Villiers et Emmanuel Macron ont alimenté la première quinzaine du mois de juillet. Le premier, chef d'état-major des armées, a publiquement fustigé les coupes budgétaires prévues par l'exécutif en 2017. Le second lui a rappelé sèchement qu'il était le chef, et le seul à même de décider. Les deux hommes, qui se croiseront mercredi lors du conseil restreint de défense, doivent ensuite s'entretenir en tête à tête vendredi.
Une requête du général de Villiers... Que le budget de la Défense soit un sujet si sensible n'est pas une surprise. En réalité, cela fait des mois qu'il s'est invité sur le devant de la scène. D'abord pendant la campagne présidentielle. En mars dernier, Pierre de Villiers s'était adressé à tous les candidats lors d'une conférence organisée par le Cercle des économistes. Il avait alors réclamé un effort substantiel pour le budget de la Défense, qu'il désirait voir porter de 1,77% à 2% du PIB en 2022, soit 42,5 milliards d'euros. Ce seuil est le même que celui que l'Otan a fixé en 2014 pour tous les États membres de l'organisation (même si les deux n'intègrent pas exactement les mêmes dépenses). L'Otan laissait cependant jusqu'à 2025 aux pays pour rentrer dans les clous.
…longuement motivée… Pour justifier ce coup d'accélérateur, qui représente une hausse de 10 milliards du budget de la Défense en cinq ans, le chef d'état-major a bien évidemment invoqué la menace terroriste et la nécessité, face à elle, de garder des forces suffisantes et bien équipées. Des rapports plus tendus avec certains pays, comme la Russie, et la décision d'autres, notamment la Chine et les États-Unis, d'augmenter leur propre budget, ont aussi pesé dans la balance.
Mais c'est surtout le coût des opérations extérieures que le général de Villiers a mis en avant. Ces fameuses "OPEX" se multiplient. La France est le pays occidental qui engage le plus de militaires à l'étranger, après les États-Unis. Résultat : les équipements, pourtant jugés bons par le chef d'état-major, s'abîment prématurément. Le sénateur UDI du Haut-Rhin Jean-Marie Bockel, également ancien secrétaire d'État à la Défense, a donné un exemple concret vendredi, sur Sud Radio et Public Sénat : "800 millions [d'économies], ça veut dire quoi ? Ça veut dire des problèmes d'hélicoptères qui s'usent beaucoup plus vite au Mali et qui sont en nombre insuffisant en état de fonctionner."
…et devenue promesse de campagne. Après cet appel du général Pierre de Villiers, qui fustige depuis plus d'un an la "débrouillardise à la française" en matière de Défense, de nombreux candidats à la présidentielle s'étaient engagés à augmenter significativement le budget des armées. À l'exception de Philippe Poutou, Jean Lassalle, Nathalie Arthaud et Jean-Luc Mélenchon, tous visaient a minima 2% du PIB. Emmanuel Macron se donnait l'horizon 2025 pour y parvenir, comme le demande l'Otan.
Communication présidentielle. Après son élection, le fondateur d'En Marche! a donné gage sur gage aux militaires. Son investiture ? Il avait défilé sur les Champs-Élysées debout dans un camion militaire, avant de se rendre au chevet de soldats blessés au combat à l'Hôpital de Percy. Son premier déplacement hors d'Europe ? Au Mali, sur la base de Gao, pour montrer appuyer la présence de forces françaises au Sahel. Depuis, les opérations de communication autour de la Défense se sont multipliées. On a notamment vu Emmanuel Macron hélitreuillé vers le sous-marin nucléaire Le Terrible et coiffé d'un casque blanc sur les chantiers STX de Saint-Nazaire. Autant d'opérations de communication qui ont donné de belles images et beaucoup d'espoirs au chef de l'état-major des armées.
L'annonce d'économies dans la Défense en 2017, le 11 juillet, est donc d'autant plus mal passée. Dans le JDD ce week-end, Emmanuel Macron a alternativement jeté de l'huile sur le feu ("Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change") et donné des signes d'apaisement (le général de Villiers "a toute ma confiance"). Il faudra attendre la fin de la semaine pour connaître l'issue de cette crise.