En politique, la "routourne" peut très vite tourner, pour paraphraser une phrase célèbre de Franck Ribéry. La preuve avec Christophe Castaner. Il y a moins de deux ans, en décembre 2015 , il menait la liste socialiste pour les régionales en Provence Alpes Côte d’Azur, avec à la clé une piteuse troisième place et l’obligation de se désister au second tour pour faire barrage au Front national. Depuis samedi, et après avoir été l’un des premiers à avoir parié sur Emmanuel Macron, il est à la tête de La République en marche et de ses 380.000 adhérents revendiqués.
L'ancien socialiste a été élu sans surprise samedi lors du Conseil du parti à Chassieu près de Lyon. Seul en course pour ce scrutin à main levée qui se tenait à huis clos, il occupera officiellement le poste de "délégué général" pour un mandat de trois ans. Il a été élu à l'unanimité des présents moins deux abstentions, a précisé le parti dans un communiqué. Retour sur un retour en grâce après un trou d’air.
La claque des régionales
Jusqu’à l’épisode des régionales de décembre 2015, la trajectoire politique de Christophe Castaner avait été progressive et linéaire. Dirigeant de l’Unef à la fac de droit d’Aix-en-Provence, proches des rocardistes, membre puis chef de cabinet de Catherine Trautmann, ministre la Culture, à partir de 1997, puis de Michel Sapin, ministre de la Fonction publique, de 2000 à 2002, puis élu député en 2012… Il est aussi maire de Forcalquier à partir de 2001 et vice-président du Conseil régional à partir de 2004. Libération fait état dans un portrait publié en septembre 2017 de "son obsession du ‘cliquet’, la conquête du pouvoir crantée, sans jamais redescendre". Quand il est désigné en février 2015 tête de liste du PS pour les régionales en Paca, il n’imagine donc probablement pas que la belle mécanique va se gripper.
"Sans cela, je serais sans doute resté fidèle au parti". Dans un contexte national très lourd, marqué par l’impopularité record du président François Hollande et son gouvernement, c’est une gifle. Au soir du premier tour, sa liste ne remporte que 16,59% des voix, loin des Républicains de Christian Estrosi (26,47%) et surtout du Front national emmené par Marion Maréchal-Le Pen (40,55%). Suivant les consignes du PS au niveau national, Christophe Castaner retire sa liste pour faire barrage au FN. Et le PS, qui détenait la majorité au Conseil régional, déserte l’hémicycle. L’humiliation est totale, le traumatisme certain.
La déception est d’autant plus grande que jusqu’à cet épisode, Christophe Castaner était largement méconnu du grand public. Ses premiers pas dans la lumière sont donc douloureux. Surtout qu’il s’estime lâché par la direction du PS, dont il n’a fait après tout, certes à contre-cœur, que respecter les consignes. La blessure est réelle. "Sans cela, je serais sans doute resté fidèle au parti", lâche-t-il à l’AFP, amer. Son parti, divisé, l’agace lors profondément. Son avenir semble alors s’inscrire en pointillé. Heureusement pour lui, dans l’intervalle, Christophe Castaner est tombé amoureux.
Le rebond avec Macron
Un amour politique, qui ne remet pas en cause sa relation avec sa compagne Hélène, rencontrée au lycée. Non, son nouvel amour s’appelle Emmanuel Macron. "J’assume cette dimension amoureuse", disait-il au Point fin septembre. "Mon niveau d’exigence envers moi-même est tel que si je dois avoir un chef, je dois avoir de l’admiration pour lui. Et Emmanuel est fascinant. Tout l’est chez lui : son parcours, son intelligence sa vivacité, sa puissance physique même…"
Le coup de foudre a lieu au printemps 2015. Christophe Castaner est alors rapporteur de la commission spéciale de la loi Macron. Les deux hommes se rapprochent. Le député des Alpes-de-Haute-Provence est alors convié aux dîners à Bercy ou se prépare, dans le plus grand secret, le lancement d’En Marche !. Quand il s’agit de choisir entre le nouveau mouvement et le Parti socialiste, où ils se sent mal-aimé, il n’hésite pas une seconde. Ça tombe plutôt bien : Christophe Castaner a toujours eu la fibre libérale, et il s’est toujours situé à la droite du PS.
"Au bon endroit au bon moment". Il franchit donc le pas. "Je le fais parce que je pense qu'après cinq ans de frondeurs, de mollesse dans la majorité, les deux gauches irréconciliables sont au sein même du PS", explique-t-il, jeudi, à l’AFP. "Sans croire une seconde qu'il puisse gagner la présidentielle", ajoute-t-il pour parer aux accusations d’opportunisme. Mais il ajoute, pas mécontent : "la politique, c'est aussi être au bon endroit au bon moment".
Rarement l’expression aura autant fait sens. Depuis qu’il a rallié Emmanuel Macron, Christophe Castaner a été l’un des animateurs les plus en vue d’une campagne présidentielle victorieuse, réélu député, puis nommé au gouvernement, secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement et porte-parole. Et enfin délégué général de La République en marche !. "Il prend une revanche car il n'a pas percé pendant le précédent quinquennat. Sous Hollande, il était un nobody", juge un proche du président dans Les Echos. Pour Christophe Castaner, le temps de l’anonymat est définitivement révolu.