C'est une épine dans le pied de François Fillon qui pourrait mettre à mal son image d'intégrité. Le parquet national financier a ouvert mercredi une enquête après des révélations du Canard enchaîné sur sa femme Penelope Fillon, et qui font planer sur le candidat de la droite des suspicions d'emplois fictifs. Europe 1 revient sur la polémique.
Les informations à retenir :
- Penelope Fillon aurait touché 500.000 euros brut comme attachée parlementaire de son mari.
- Elle aurait également touché 100.000 euros brut comme conseillère littéraire de La Revue des deux Mondes.
- La justice a ouvert une enquête, notamment pour détournement de fonds publics et abus de biens sociaux.
- François Fillon a indiqué dans un communiqué qu'il souhaitait faire "taire la calomnie", en étant reçu rapidement par le parquet national financier.
- Pour quelles missions et combien Penelope Fillon a-t-elle été payée ?
Assistante parlementaire de 1998 à 2002. Penelope Fillon, 60 ans, aurait été rémunérée pendant huit ans, entre 1998 et 2002 au titre d’attachée parlementaire de son époux puis de son suppléant Marc Joulaud, pour un total de 500.000 euros brut, selon des révélations du Canard enchaîné qui se serait procuré les fiches de paie de la femme du candidat de la droite à l’élection présidentielle. Or, après enquête, l’hebdomadaire assure que "dans les couloirs du Palais-Bourbon comme dans le fief de son mari, personne n’a jamais croisé d’attachée parlementaire du nom de Penelope Fillon". Interrogée par le journal satirique, Jeanne Robinson-Behre, qui a été l’assistante parlementaire de Marc Joulaud à cette période déclare : "Je n’ai jamais travaillé avec elle, je n’ai pas d’info à ce sujet. Je ne la connaissais que comme femme de ministre".
Salarié de La Revue des deux Mondes. Toujours selon Le Canard enchaîné, Penelope Fillon aurait également été salariée, entre mai 2012 et décembre 2013, de La Revue des Deux-Mondes, l’un des plus vieux mensuels de France, actuellement détenu par Marc Ladreit de Lacharrière, 32ème fortune de France et proche de François Fillon. Engagée comme conseillère littéraire de la prestigieuse revue, elle aurait touché 5.000 euros brut par mois, pour un total de 100.000 euros, toujours selon Le Canard enchaîné. Là encore, l’intéressée aurait brillé par son absentéisme. "Je n’ai jamais rencontré Penelope Fillon et ne l’ai jamais vue dans les bureaux de la revue", a déclaré au Canard enchaîné, Michel Crépu, à l’époque directeur du périodique, qui explique avoir en tout reçu deux notes de lecture de Penelope Fillon, signée avec un pseudonyme.
- Est-ce illégal ?
Une pratique courante. Un parlementaire a parfaitement le droit d’employer son conjoint. Cette pratique n’a rien d’illégal, les députés disposant même, en plus de leur indemnité, d’une enveloppe d’environ 9.500 euros mensuels pour rémunérer jusqu’à cinq collaborateurs. S’il s’agit de l’époux/se de l’élu, la rémunération ne peut toutefois excéder la moitié de l’enveloppe. Cette pratique, assimilée par certains à une forme de népotisme, fait régulièrement débat. Jean-François Copé et Bruno Le Maire, ayant tous les deux employé leurs épouses respectives comme attachées parlementaires, ont eu à s’en défendre. On se souvient également de Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, lui aussi sous le feu des critiques, et répondant au Lab au début du quinquennat : "Je n'ai pas embauché ma femme, j'ai épousé ma collaboratrice".
- Quelles suites judiciaires ?
Dans le cas de François Fillon, ces révélations viennent entacher le discours sacrificiel du "candidat de la vérité" qui veut assumer la radicalité de son projet. Surtout, l’absentéisme de Penelope Fillon, pointé par Le Canard enchaîné, soulève des soupçons d'emplois fictifs. Le parquet national financier a ouvert mercredi une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits, les magistrats souhaitent vérifier si Penelope Fillon a bien fourni des prestations en échange de salaires versés pour ses postes d'assistante parlementaire et de collaboratrice au sein d'une revue. Avant de s'investir dans la campagne de son mari en octobre, Penelope Fillon s’est souvent présentée comme une mère au foyer, en retrait des activités de François Fillon. "Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari", avait-elle notamment déclaré au Bien Public.
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- Comment ont réagi François Fillon et son entourage ?
Un article "misogyne". "La séquence des boules puantes est ouverte", a réagi mercredi François Fillon, en marge d'un déplacement à Bordeaux. Le Sarthois, sans nier les faits, a botté en touche, dénonçant ce qu'il considère comme une attaque sexiste de la part du Canard enchaîné. "Je voudrais simplement dire que je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article", a-t-il notamment déploré. "Alors, parce que c'est mon épouse, elle n'aurait pas le droit de travailler ? Imaginez un seul instant qu'un homme politique dise qu'une femme, comme le dit cet article, ne sait faire que des confitures. Toutes les féministes hurleraient !", a ajouté François Fillon.
François Fillon prépare sa riposte. Dans un communiqué, François Fillon a qualifié mercredi soir les révélations du Canard Enchaîné d'"accusations dénuées de tout fondement". Le candidat de la droite à la présidentielle souhaite être reçu au parquet national financier "dans les plus bref délais" et "pour faire taire [la] campagne de calomnie" qui entoure son épouse. "Je me battrai pour que triomphe la vérité et pour défendre mon honneur", a également ajouté François Fillon. "Il fallait trouver quelque chose car la riposte du matin contre les boules puantes et la misogynie n’avait rien éteint", a confié à Europe 1 un proche après cette déclaration. Pour se défendre, François Fillon sera jeudi soir l'invité du JT de TF1. En attendant, un avocat de François Fillon a remis jeudi après-midi des documents à la justice, visant à prouver que l'épouse du candidat de la droite a bien travaillé dans son service.
Dans l'entourage du candidat, on s'interroge également sur l'origine des révélations du Canard enchaîné. "Ça vient forcément des rangs de la droite…", ont estimé auprès d'Europe 1 un filloniste. En attendant, l'équipe du candidat tente de réunir des preuves des activités de Penelope Fillon. "Nous donnerons très vite à la justice l'ensemble des éléments", a assuré jeudi sur Europe 1 Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne de François Fillon qui indique cependant n'avoir "pas du tout [eu] idée d'une relation contractuelle" au sein du couple.
Bruno Retailleau sur le PenelopeGate : "Nous...par Europe1fr
"Un sujet qui n'en est pas un". Derrière l'ex-Premier ministre, l'équipe de campagne veut faire bloc, et tente dans les médias de désamorcer la polémique, tant bien que mal. "Nous avons autour de nous des aides proches, qui jouent un rôle déterminant. Pénélope Fillon a une formation en droit, elle a toutes les compétences, c’est une élue locale, relativement discrète", a souligné mercredi sur France Inter Bernard Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale ajoutant, hésitant : "Je ne connais pas le détail de son travail, ce que je peux dire c'est que je l'ai vue souvent." De son côté, Thierry Solère, l'un des porte-paroles de François Fillon, a condamné sur RFI une controverse "complètement artificielle sur un sujet qui n'en est pas un". Une polémique qui, en tout cas, n'a pas manquer mercredi de ternir la journée du candidat, présent sur les terres juppéistes pour sceller l'unité de la droite face à l'entre-deux-tours fratricide de la primaire de la gauche.
Les socialistes montent au créneau. À gauche, les révélations du Canard enchaîné n'ont pas manqué de faire réagir. Sur RTL, le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux a demandé au candidat de s’expliquer, estimant notamment que l’embauche de conjoints ou parents comme attaché parlementaire ne devait "pas être autorisé". Benoît Hamon, le nouveau favori de la primaire organisée par le PS, s'est lui aussi prononcé pour la fin de cette pratique. "Il faut que tout parlementaire n'ait plus le droit d'embaucher ni son enfant, ni un cousin, ni un parent, ni une femme, il faut une frontière étanche", a t-il martelé sur France 2. Sur Europe 1, Manuel Valls, l'autre finaliste de la primaire de la gauche, a réclamé jeudi "des explications particulièrement claires et rapides". "Je demande, et c’est normal, qu’il y ait la plus grande clarté sur les faits rapportés par Le Canard enchaîné, a-t-il ajouté.