Un gouvernement ouvert à plusieurs sensibilités politiques, ça n’est pas sans risque. Le plus élevé étant de trouver une cohérence entre tous ces ministres venus d’horizons différents, qui parfois se sont affrontés, et qui souvent ont défendu des positions opposées. Certains membres du gouvernement, jusqu’au Premier ministre Edouard Philippe, vont ainsi devoir défendre dans les mois qui viennent des mesures qu’ils ont combattues, récemment encore. Les sujets de friction potentiels sont si nombreux que nous n’avons retenu que ceux qui entrent dans le champ de compétence du ministre concerné.
- Philippe va devoir se convertir à la transparence
Le premier chantier du gouvernement, c’est une grande loi de moralisation de la vie politique. Moralisation qui passe fatalement par plus de transparence, à une époque où la suspicion est généralisée quant à la probité des hommes politiques. Or Edouard Philippe n’est pas franchement fan. "L’impératif de transparence absolue ne m’a jamais enchanté à titre personnel", a admis le Premier ministre jeudi sur France Inter.
Celui qui était alors député avait d’ailleurs rempli avec une bonne dose de mauvaise foi sa déclaration de patrimoine et de revenus transmise à la Haute autorité sur la transparence de la vie publique. Il avait notamment refusé d’estimer ses biens - se contentant d’un lapidaire "aucune idée" - et d’indiquer le montant de ses différents revenus. "Comme beaucoup de parlementaires sans doute, j’ai essayé de concilier le respect de la loi et une forme de mauvaise humeur", a-t-il expliqué à Mediapart vendredi dernier. Edouard Philippe va devoir se convertir. Et transformer sa mauvaise humeur en bonne volonté.
- Notre-Dame-Des-Landes : une victoire pour Hulot ?
La nomination comme ministre de la Transition écologique de Nicolas Hulot est incontestablement la plus grosse prise de ce gouvernement. Pourtant, l’ancien animateur télé ne partage pas toutes les orientations d’Emmanuel Macron en ce qui concerne l’environnement. La plus emblématique : le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
"Il se fera", avait asséné le candidat Macron en avril 2017 sur France 2. Il faut y aller, avait pour sa part estimé Edouard Philippe, alors député-maire du Havre, en octobre 2016, quelques semaines après la victoire du "oui" à un référendum local. Sauf que Nicolas Hulot est viscéralement, et depuis de nombreuses années, opposé au projet. Il avait ainsi accueilli le résultat du référendum comme "une bien mauvaise nouvelle". Dans Libération, le 10 septembre 2015, il qualifiait le projet d’investissement du siècle dernier, rappelle Le Monde.
Pour l’heure, c’est une solution médiane qui a été trouvée : la nomination d’un médiateur. "On va sortir de la confrontation et on va rentrer dans la consultation et la coopération, sur ce sujet et sur beaucoup d'autres", s’est félicité Nicolas Hulot jeudi soir sur France 2. Le ministre semble tabler sur un abandon. "Il existe d'autres alternatives, la médiation qui va démarrer probablement en fera la démonstration", a-t-il espéré. Le médiateur prendra dans les six mois une décision "claire" et "assumée", selon les vœux d’Edouard Philippe. A ce moment-là, certains devront ravaler leur critique. Ce sera alors l’occasion de mesurer, s’il emporte la décision, le poids politique qu’aura pris Nicolas Hulot dans le gouvernement.
- CSG, le nécessaire revirement de Le Maire
Qu’il semble loin, le temps où Bruno Le Maire était candidat à la primaire de la droite. A cette époque-là, en novembre 2016, l’ancien ministre de l’Agriculture avait choisi comme l’une de ses mesures phares une baisse de la CSG de 7,5% à 6%, "par souci de justice". "Cette baisse importante est un gage de confiance dans le succès à venir des grandes réformes annoncées", clamait-il alors. Tout nouveau ministre de l’Economie, Bruno Le Maire devra au contraire mettre en place une augmentation de 1,7 point de la CSG. Et il lui faudra le faire avec conviction. Pas simple.
- PMA : Philippe en contradiction avec Macron
La droite n’a pas été tendre avec Emmanuel Macron sur le sujet. Candidat, le nouveau président de la République avait fait part de sa volonté d’autoriser la protection médicalement assistée pour les couples de femmes. Edouard Philippe n’est pas d’accord. Le député-maire du Havre, favorable au mariage gay, s’était abstenu lors du vote de la loi en 2013. Dans une tribune au Huffington Post, il écrivait ainsi : "Nous nous opposerons résolument à la PMA pour les couples homosexuels féminins". Une résolution qu’il devra remiser pour ne pas entrer frontalement en contradiction avec le chef de l’Eta sur ce sujet.