Il est des personnalités plus inquiètes encore que d’autres à l’idée que le Front national remporte des régions dimanche soir. Car elles devront directement travailler avec le parti de Marine Le Pen dans les territoires concernés. C’est le cas des présidents des conseils départementaux situés à l’intérieur de Nord-Pas de Calais-Picardie et de Paca, que respectivement Marine Le Pen et Marion Maréchal-le Pen sont en position de rafler au soir du second tour des élections régionales.
"Une vraie catastrophe". "Si le FN était élu, ce serait une vraie catastrophe", résume d’une formule Gilbert Sauvan, président PS des Alpes-de-Haute-Provence, interrogé par Europe1.fr. "Je m’attendrais alors à ce que la fin de mon mandat soit plus difficile que jamais, avec la baisse des dotations et une région hostile", poursuit l’élu socialiste. "Je ne vous cache pas que la cohabitation entre le département du Nord et la Région de Mme Le Pen sera extrêmement difficile", abondait sur France 3, dès dimanche soir, son homologue Les Républicains du Nord, Jean-René Lecerf.
Incompétence et "PME familiale". Parmi les griefs à l’encontre du FN figure celui d’une inexpérience impliquant une incompétence dommageable. "Marion Maréchal-Le Pen, c’est une femme qui n’a jamais géré une collectivité. On s’attend donc à tout et à rien", affirme Gilbert Sauvan. "Hormis quelques élus qui connaissent le fonctionnement des institutions, la plupart des colistiers de Marine Le Pen vont devoir tout apprendre", renchérit Michel Dagbert, président du Conseil départemental du Pas-de-Calais. "Je crains fort qu’ils ne soient pas au niveau, qu’il y ait une ingénierie administrative largement insuffisante. A l’heure où nombre de défis se présentent pour la Région, je suis atterré à l’idée que l’extrême droite arrive au pouvoir."
L’élu socialiste du Pas-de-Calais, le seul de son bord à diriger l’un des cinq départements de la future région Nord-Pas de Calais-Picardie, pointe aussi le véritable objectif de Marine Le Pen, à savoir la présidentielle de 2017. "Ce serait d’autant plus difficile avec une présidente de Région qui est toujours à Paris", tacle Michel Dagbert. "Le Front national est d’abord et avant tout une PME familiale qui assure la promotion de la marque Le Pen", insiste-t-il.
Une collaboration inévitable… Mais ces présidents de départements le savent : ils seront contraints de travailler avec la Région. "On ne pourra pas se passer de solliciter la Région. On a obtenu d’elle 3,5 millions d’euros pour nos routes. Si on enlève ça, ce sera encore une moins-value, avec la baisse des dotations. Ce sont toutes les aides qu’on sollicite auprès de la Région qui peuvent être menacées", se désespère Gilbert Sauvan. "Dans ma fonction, je vais tout de même tenter de toujours faire le plus, par pour Marion Maréchal-Le Pen, mais pour le Bas-Alpins", poursuit le député des Alpes-de-Haute-Provence.
Le département et la région doivent en effet collaborer car elles ont des compétences partagées, sur la culture, le sport ou le tourisme. Elles peuvent aussi se déléguer une partie de leurs compétences. "Nous avons à gérer le retour à l’emploi des allocataires du RSA, qui exige que la formation professionnelle soit mise à notre disposition", explique ainsi Jean-René Lecerf, du Nord.
… Mais pas de cadeaux. Pour autant, Avec le Front national face à eux, les présidents de conseils départementaux ne cachent pas qu’ils ne feront pas de cadeaux à leurs interlocuteurs. "Je ferai le service minimum", annonce Michel Dagbert. "A chaque dossier, je regarderai les impacts : tout ce qui pourra servir la population, je ferai l’effort, mais pour le reste, je serai aux abonnés absents", prévient le président du conseil départemental du Pas-de-Calais. "On se battra", assure de son côté Gilbert Sauvan. "Si nous sommes maltraités, nous le dirons. J’aurais mes conseillers juridiques auprès de moi".
"Une forme de résistance". Jean-René Lecerf illustre sa position par un exemple concret : "sur le transport scolaire, que la Région souhaiterait re-déléguer au département, il va de soi que si elle est présidente, Marine Le Pen le gèrera et que je n’accepterai pas la nouvelle délégation", poursuit le président LR du Nord. Au final, l’élu "craint fort, parce que ce n’est pas l’intérêt de tout le monde, qu’il y ait chacun dans sa chacunière, les cinq départements d’un côté, la Région de l’autre". Son homologue du Pas-de-Calais en accepte l’augure, et le revendique, même. "Je regarderai comment entrer dans une forme de résistance", prévient Michel Dagbert. "Je regarderai comment agir avec mes collègues présidents de conseils départementaux de la Région. Ils sont tous de droite, mais nous nous retrouvons sur certaines valeurs."