Quand les politiques doivent réagir à un sujet, ils utilisent fréquemment ce qu’on appelle des éléments de langage. C’est-à-dire des arguments préparés à l’avance, répétés et déclinés à l’envi sur les plateaux de télévision ou les antennes de radio. Ce recours est encore plus vrai en situation de crise. Plusieurs axes de défense sont martelés par des personnes mises en cause et par leurs soutiens. Deux exemples récents le montrent : l’affaire Fillon et l’affaire Ferrand. Et ce qui est troublant, c’est que dans les deux cas, les éléments de langage ont tendance à fortement se ressembler.
- Honnêteté et probité
Le premier axe de défense, c’est d’arguer de son honnêteté, d’affirmer qu’on est resté dans le strict cadre de la loi. "Tout ce que j'ai fait dans ma vie professionnelle est légal, public, transparent", a assuré le ministre de la Cohésion des territoires, candidat aux législatives. Ce dernier a exclu de démissionner car il a sa "conscience pour lui. Oui je suis un homme honnête", a-t-il conclu.
L’argument était le même dans le camp Fillon, l’ancien Premier ministre ayant axé précisément sa campagne de la primaire de la droite, à l’automne 2016, sur la probité. "Je crois qu'on doit croire François Fillon. C'est un homme honnête, personne ne peut en douter", lançait ainsi Eric Woerth sur LCI à la fin du mois de janvier dernier, juste après les premières révélations du Canard enchaîné. Le candidat lui-même s’est chargé de sa défense lors d’un meeting, mi-février. "Je suis un parlementaire ancien, je suis élu depuis 1981. Je n’ai pas enfreint la loi", avait-il juré.
- Des pratiques légales mais plus tolérées aujourd’hui
Pour autant, cette défense n’interdit pas un soupçon de contrition. Sur le thème de "ce qui était toléré avant ne l’est plus aujourd’hui". A ce titre, les propos tenus le 6 février lors d’une conférence de presse par François Fillon sont un cas d’école. "Tout cela était légal mais suis-je pour autant quitte sur le plan moral ?", s’était interrogé l’ex-Premier ministre. "Collaborer avec sa famille en politique est une pratique désormais rejetée par les Français. C’était une erreur, je le regrette profondément et je présente mes excuses aux Français. Comme beaucoup d’autres parlementaires j’ai agi selon un usage certes légal mais dont il est clair que nos concitoyens ne veulent plus", avait-il insisté.
Richard Ferrand n’en est pas encore là. Mais c’est Edouard Philippe, son Premier ministre, qui a embrayé dans les pas de son prédécesseur. "J'ai parfaitement conscience que des usages et des comportements passés qui ne sont pas illégaux mais qui ne sont plus acceptés aujourd'hui, ne peuvent plus être tolérés", a déclaré le chef du gouvernement mardi soir sur France 2, après toutefois avoir renouvelé sa confiance à son ministre.
- Dénoncer un acharnement médiatique
Ce n’est pas encore l’argument principal des défenseurs de Richard Ferrand, comme ce fut celui des soutiens de François Fillon. Mais il commence à poindre. Richard Ferrand a lui-même dénoncé un "tintamarre médiatique" mercredi matin. "C'est en quelque sorte une chasse à l'homme médiatique", a jugé de son côté sur Europe 1 René Dosière, député PS spécialiste des dépenses publiques et qui avait parrainé Emmanuel Macron. "On est un peu dans l’amalgame et dans l’hallali", a enfin déploré Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, mardi matin sur LCI.
La même expression avait été utilisée par Thierry Solère, alors porte-parole de François Fillon, le 7 février sur France Inter. "On a un hallali médiatique comme jamais contre quelqu'un qui n'a jamais eu à faire à la justice", avait dénoncé le député des Hauts-de-Seine. Il serait trop long de lister de manière exhaustive le nombre de fois où l’ex-candidat et ses soutiens ont mis en cause le système médiatique. L’ancien Premier ministre lui-même a fustigé à plusieurs reprises le "tribunal médiatique", trop rapidement enclin, selon lui, à le juger. "Je fais face à une attaque d'une violence inouïe. A ma connaissance, du jamais vu sous la Ve République", avait-il notamment lancé le 6 février.
- Les électeurs trancheront
Enfin, dernier point commun des défenses de Richard Ferrand et de François Fillon : l’appel aux citoyens. Dans les deux cas, les affaires ont éclaté avant une élection. Dès lors, c’est le peuple qui est chargé de trancher le litige. "Nous sommes dans une démocratie, et dans une démocratie, Ce sont les électeurs qui marquent leur confiance à celles et ceux qui se présentent devant eux", a lancé lundi le ministre de la Cohésion des territoires devant des journalistes. Le député sortant du Finistère prenait là la roue de son Premier ministre qui, quelques jours plus tôt, avait rappelé que "les électeurs pourront dans deux semaines dire si, comme moi, ils ont confiance en Richard Ferrand. Et ce sera le juge de paix, celui que personne ne peut dépasser en démocratie."
L’argument avait été utilisé avant le premier tour de l’élection présidentielle par François Fillon. "Plus on s'approche de la date de l'élection, plus il serait scandaleux de priver la droite et le centre d'un candidat. Je m'en remets désormais au suffrage universel. Ma décision est claire, je suis candidat et j'irai jusqu'à la victoire", avait lancé l’ancien Premier ministre le 16 février, après avoir décidé de se maintenir malgré sa mise en examen. Une ténacité qui n’avait pas été payante. Car le peuple avait décidé d’éliminer le candidat de la droite dès le premier tour. Richard Ferrand est prévenu.