Ils étaient sept sur la ligne de départ. Mardi, à 10 heures, Laetitia Avia, Amélie de Montchalin, Gilles Le Gendre, Brigitte Bourguignon, Roland Lescure, Rémy Rebeyrotte et Jean-Charles Colas-Roy ont chacun tenté de convaincre ses collègues de l'élire président du groupe LREM à l'Assemblée nationale. Un poste laissé vacant par Richard Ferrand, appelé à succéder à François de Rugy au perchoir.
Finalement, c'est Gilles Le Gendre qui a remporté l'élection et, au passage, un poste clef. Les présidents de groupe à l'Assemblée, a fortiori le président du groupe majoritaire, ont en effet de nombreuses prérogatives. Et d'eux dépend beaucoup la bonne cohésion des députés d'une même couleur.
Une véritable influence sur la procédure législative
Les présidents de groupe sont en effet membres de la conférence des présidents, qui se réunit chaque semaine pour faire un point sur les travaux législatifs en cours et à venir. "Ils participent, de ce fait, à l'établissement de l'ordre du jour et des mesures d'organisation qui lui sont liées", précise le site de l'Assemblée nationale. Leurs prérogatives sont aussi importantes dans le déroulement de la procédure législative. Ils peuvent par exemple demander la création d'une commission spéciale, réclamer un vote par scrutin public ou une suspension de séance pour réunir leur groupe. Il leur est également possible de solliciter la prolongation d'une séance de nuit. Autant de petits pouvoirs qui, ajoutés les uns aux autres, confèrent aux présidents de groupe un statut très particulier.
L'animateur d'un collectif
Mais leur rôle est aussi plus informel. "Le président de groupe est l'animateur d'un collectif, il doit faire vivre le débat interne", explique à Europe 1 Marc Fesneau, lui-même président du groupe MoDem. Cela demande, selon lui, "des qualités d'écoute, mais aussi de la pédagogie et un peu de patience, on ne va pas se le cacher". L'objectif est de laisser chacun s'exprimer, sans froisser les différentes sensibilités, tout en ayant la capacité à trancher et "porter une décision au nom du collectif", détaille Marc Fesneau.
Bien connaitre ses collègues
Le président de groupe répartit aussi les rôles de chacun lorsqu'arrive un nouveau texte législatif et au moment des questions au gouvernement chaque semaine. Il décide qui posera laquelle, ce qui demande, là encore, beaucoup de doigté. "Avoir une bonne connaissance de ses collègues aide beaucoup", note Marc Fesneau, qui se félicite de n'avoir "que 46 députés dans son groupe". "Ce n'est pas très compliqué à retenir. D'autant que, de par mes précédentes fonctions [il est secrétaire général du MoDem depuis 2010], je connais leur parcours, leur histoire… cela facilite les choses." Ce qui attend Gilles Le Gendre est autrement plus compliqué : plus de 300 députés à gérer, venus d'horizons si divers qu'il est difficile de bien connaitre chacun.
Un président en lien avec le gouvernement
D'autant qu'être à la tête du groupe majoritaire signifie aussi "jouer le rôle d'interface entre les députés et le gouvernement", souligne Marc Fesneau. "C'est vrai aussi, quoi que dans une moindre mesure, des présidents de groupe d'opposition. Ils sont là pour dire à l'exécutif qu'il faudra être particulièrement vigilant sur tel ou tel point d'un texte et que leurs députés vont s'en emparer." Le président du groupe LREM aura aussi un rôle politique de représentation du groupe, notamment lors des fameux "petits déjeuners de la majorité". Un rendez-vous hebdomadaire hérité du quinquennat Hollande qui permet aux personnages clefs de la macronie de se réunir à Matignon.
"Être au milieu de ses troupes en cas de coup dur"
C'est d'ailleurs cet aspect du rôle de président de groupe qu'apprécie particulièrement Marc Fesneau. "Le travail politique fait avec le gouvernement, l'approfondissement des textes et l'entretien permanent du dialogue, y compris avec des députés des autres bords… c'est plus satisfaisant que la gestion des petites querelles, toujours chronophage", explique-t-il. "Mais cet aspect reste important. Au quotidien, le président de groupe doit être présent, être au milieu de ses troupes en cas de coup dur."
L'absence (remarquée) de Richard Ferrand en début de législature, alors que ses députés néophytes étaient particulièrement chahutés à l'Assemblée nationale, lui a d'ailleurs été beaucoup reprochée. "Ce ne serait pas difficile de faire mieux que Ferrand", glissait un pilier de la majorité il y a quelques mois. "Il n'y avait aucune animation du groupe. Le président était bunkérisé, on ne pouvait pas lui parler, et il restreignait les marges de manœuvre de ses députés." Gilles Le Gendre est donc prévenu.