Il sera mal assis mais dominera l'hémicycle. François de Rugy, élu président de l'Assemblée nationale mardi, va désormais prendre place sur le "perchoir". Si ce terme, dont l'origine reste encore floue, est péjoratif (voir encadré), il est aujourd'hui entré dans le langage commun pour désigner l'emplacement comme la fonction du président du Parlement. Europe1.fr a récolté quelques anecdotes sur ce fauteuil pas comme les autres.
- Un siège très inconfortable
C'est une réputation qui ne le quitte pas. Le "perchoir" est connu pour être le siège le plus inconfortable de l'Assemblée nationale : ceux qui y prennent place doivent se tenir bien droit et ne peuvent pas étendre leurs jambes. Jean-Louis Debré, qui a présidé le Parlement de 2002 à 2007, a jugé ce fauteuil "imposant et dur", au point qu'on ne peut pas le tourner tout seul, a-t-il confié sur franceinfo mardi. "Il n'est pas confortable, mais en mettant un petit coussin dans le dos, ça va", a-t-il glissé.
- Le président n'est pas au-dessus des autres
Le "perchoir", comme son nom ne l'indique pas, n'est pas plus haut que le dernier rang de l'hémicycle. Cette limite symbolise le fait que le président de l'Assemblée nationale n'est pas au-dessus des autres députés, et "reste un député comme les autres", indique l'Assemblée nationale sur son site. D'ailleurs, le président reste le député de sa circonscription. Si le perchoir n'est pas plus haut, il donne malgré tout une impression de domination sur les autres députés de par sa position surélevée et centrale, qui surplombe l'hémicycle.
©GEORGES GOBET / AFP
- Un petit boîtier magique
Le président du Parlement dispose sur son perchoir d'un boîtier qui coupe le micro d'un député, si son intervention est jugée trop longue. Jean-Louis Debré, qui en a souvent fait usage, a notamment coupé la prise de parole en 2003 du secrétaire d'État aux personnes âgées, Hubert Falco, qui s'étendait sur le projet de suppression d'un jour férié, rappelle L'Obs. "Monsieur Falco, je vous ai coupé la parole. Chacun a le droit au même temps. Je vous ai prévenu trois fois de suite. À la quatrième, j'ai interrompu", avait alors lancé Jean-Louis Debré. Le président de l'Assemblée est en effet celui qui régule les débats dans l'hémicycle et modère les prises de paroles.
- Un siège vieux de deux siècles
C'est un mobilier historique à plus d'un titre. Le "perchoir" a vu le jour en 1798 : Lucien Bonaparte, président du Conseil des Cinq-Cents (l'une des deux assemblées de la Ière République), aurait été le premier à s'y asseoir l'année suivante. Il a été dessiné par le peintre Jacques-Louis David, artiste admiré du 18e siècle qui va s'engager contre la monarchie et finira par être élu député.
Le fauteuil et le bureau du "perchoir" ont été confectionnés à l'atelier Jacob, tandis que les bronzes qui ornent le mobilier ont été réalisés par les sculpteurs Michallon et Lemot, précise l'Assemblée sur son site. Le bureau comporte d'ailleurs peu d'ornements remarquables, à l'exception de la Balance, symbole de la justice. Le bureau et le fauteuil du Perchoir font partie des rares mobiliers à avoir gardé leur aspect d'origine, explique encore l'institution.
- Le buste d'Hitler y a trôné
Sur son site, l'Assemblée nationale raconte également une ultime anecdote : le buste d'Adolf Hitler a trôné par trois fois sur le "perchoir". En juillet 1940, alors que la France est occupée par l'Allemagne nazie, Adolf Hitler s'adresse via la radio à la Werhmacht réunie au Palais-Bourbon. Les soldats nazis ont pour l'occasion pavoisé aux couleurs du IIIème Reich l'hémicycle et posé le buste en bronze de leur Führer sur le siège du président de l'Assemblée. Cette cérémonie se répétera à deux reprises la même année.
*Le "perchoir", un terme péjoratif ?
L’origine du mot "perchoir" pour désigner l'emplacement du président de l'Assemblée reste encore floue. Comme le rapporte Le Parisien, un ouvrage satirique du 19e siècle, "L'Assemblée nationale comique", qui se voulait critique envers les députés, affirme que le député Louis Mortimer Ternaux est "beau à la tribune comme le cacatoès sur son perchoir". Dans une chronique publiée en 2002, le rédacteur en chef des éditions Le Robert admet que le terme est péjoratif : "On devine que le mot perchoir ne reflète pas la noblesse constitutionnelle de la fonction de président de l'Assemblée nationale", écrit Alain Rey. Aujourd’hui, l’expression a malgré tout fait son entrée dans le langage courant.