La photo a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux ces derniers jours : le long des quais de seine rive droite, une des voies qui traverse la capitale d’ouest en est, une file de voitures, au ralenti, longeant la toute nouvelle piste cyclable, vide. Et ce commentaire ironique : "non, c’est bien la fluidité". Ce n’est pas fini, bientôt d’autres axes importants vont être restreints à la circulation. Après le hola des voitures roulant au diesel, c’est un nouveau pas vers l’objectif affiché par Anne Hidalgo : diviser à terme par deux la pollution de l’air à Paris. Mais en cette rentrée, Parisiens et Franciliens qui viennent travailler à Paris ne constatent qu’une chose : c’est l’enfer pour circuler !
La lutte contre la pollution, ligne directrice d'Anne Hidalgo. Pourtant Anne Hidalgo, la maire de Paris, n'est pas forcément coupable. D’abord parce qu’elle n’est ni la seule ni la première à s’engager dans cette voie. Bertrand Delanoë avait initié le virage contre le "tout-bagnole", d’autres villes européennes l’ont négocié, d’Oslo à Bruxelles, de Londres à Copenhague. L’actuelle maire de Paris a fait de la lutte contre la pollution atmosphérique, et donc contre le réchauffement climatique un marqueur de son mandat.
Lors de la Cop 21, elle était à l’initiative d’un rassemblement inédit des maires des plus grandes villes du monde pour dire leur engagement commun. Certaines de ces grandes métropoles américaines mènent d’ailleurs aujourd’hui le combat contre le retrait de Donald Trump de l’Accord de Paris. Que l’élue assume ses responsabilités politiques, celle de préserver la santé de ses habitants et celle des générations futures, formidable ! Anne Hidalgo l’affirme : "un jour, les politiques qui savaient mais n’ont pas voulu agir seront mis face à leurs responsabilités. Je préfère être du bon côté de l’Histoire".
Une transition à deux vitesses ? Et pourtant, l'édile n'est pas à dédouaner complètement de l'engorgement de la capitale. On rejoint là une problématique qui se pose à tout responsable politique. Avoir raison sur le temps long, c’est une chose. Mais prendre en compte les problèmes quotidiens actuels, et les régler, c’en est une autre, toute aussi impérative. Anne Hidalgo parie sur "l’évaporation" progressive de la circulation : en clair, c'est aux automobilistes à nous de changer leurs habitudes.
Encore faut-il que la puissance publique donne à chacun les moyens de le faire, en imaginant en même temps que la diminution de l’usage de la voiture des solutions alternatives : parkings en périphérie, élargissement de l’offre de transports publics propres, encouragement efficace à l’auto-partage, etc. Et ceci afin que ceux qui ne sont pas opposés à cette révolution, pas forcément réacs ni pollueurs par plaisir, mais qui vivent juste en banlieue, qui sont juste un peu âgés pour goûter aux joies du vélo, ou qui doivent quotidiennement transporter leurs enfants, puissent s’y retrouver. Il faut donc au minimum faire coïncider les restrictions de circulation avec les nouvelles offres de transports, dépasser aussi les batailles stériles entre la ville, la région et le syndicat qui gère ces transports publics.
Gare au ras-le-bol ! On connait les dégâts du "ras-le-bol fiscal" : au regard de l’enjeu historique qu’il y a à limiter le réchauffement climatique, ce serait regrettable de susciter un "ras-le-bol écologique".