Claude Evin : "Il n’y a pas de politique de santé publique"

Claude Evin, ancien ministre de la Santé, a donné son nom à la fameuse loi de 1991 qui vise à lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Claude Evin, ancien ministre de la Santé, a donné son nom à la fameuse loi de 1991 qui vise à lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme. © Europe 1
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C.O. , modifié à
Pour Claude Evin, ex-ministre socialiste de la Santé, invité de la Matinale d'Europe 1, l'assouplissement de la loi Evin "n'était pas nécessaire".
INTERVIEW

"J'espère que ce n'est pas la fin de la lutte contre l'alcool". Claude Evin, ancien ministre de la Santé qui a donné son nom à la fameuse loi de 1991 qui vise à lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme, interrogé dans la Matinale d'Europe 1, s'est dit inquiet de la disposition introduite dans le projet de loi Santé. Le projet de loi de la ministre Marisol Touraine, adopté en décembre prévoit un assouplissement de la loi Evin au sujet de la publicité sur l'alcool en distinguant la publicité sur les boissons alcooliques, strictement encadrée, et l'information oenologique. 

"L’ introduction de ce dispositif qui va, au nom de l’oenotourisme, permettre de présenter des visuels attractifs poussant à la consommation d’alcool, ce n’était pas nécessaire. Il suffit de voir les récentes publications au moment des fêtes en faveur du champagne. Il était déjà possible de parler de la région de Champagne et de la région de Bordeaux sans tomber sous le coup de la loi de santé publique. Il aurait été nécessaire qu’on sorte du débat conflictuel entre les défenseurs de la santé publique et les défenseurs d’activités économiques", dénonce Claude Evin.

Bières et alcools forts. "Je crois beaucoup que les viticulteurs sont instrumentalisés dans ce débat", pointe l'ancien ministre socialiste. Selon lui, ceux qui ont intérêt à développer cette publicité ne sont pas les viticulteurs : "Ce sont d’abord les métiers de la publicité, qui se cachent derrière ces enjeux économiques. Ce sont aussi les alcools industriels, les bières et les alcools forts, les vodkas, les whiskys. Cela leur ouvre une porte intéressante."

Pas de politique de santé publique. “Il n’y a pas de politique de santé publique depuis plusieurs années. La disposition introduite dans la loi de Santé ne va pas dans le sens de la santé de la population. L’alcool, c'est près de 50.000 décès chaque année, le tabac c’est 30 à 40.000 décès supplémentaires”, pointe Claude Evin. " Marisol Touraine avait pris l’engagement qu’un groupe de travail soit mis en place pour pouvoir traiter de cette question. Malheureusement cette promesse n’a pas été tenue."

Le paquet de cigarette à 10€. La nouvelle loi de Santé prévoit également l'entrée en vigueur du paquet de cigarette neutre en mai 2016. Depuis 2012, le prix du paquet de cigarette est aussi passé de 6,20 € à 7€. "Ce qu’on voit concernant le tabac, c’est qu’il faut changer les comportements. Il faut provoquer un électrochoc. Je pense qu’aller rapidement vers un paquet à 10€ serait nécessaire pour réduire la consommation. Il y a beaucoup de fumeurs qui souhaiteraient arrêter de fumer et il faut accompagner cela par d’autres mesures, mais le prix est déterminant", assure l'ancien ministre.

Même si cela doit réduire les recettes fiscale de l'Etat ? "Les recettes fiscales dues au tabac, c'est 14 milliards d’euros. Les dépenses pour la sécurité sociale, c’est près de 50 milliards d’euros chaque année liées directement au tabac. Et ce sont aussi des drames personnels", ajoute Claude Evin.