Les ordonnances réformant le code du travail, promesse phare d'Emmanuel Macron et premier gros chantier social du quinquennat, ont entamé mardi leur dernière course d'obstacles à l'Assemblée nationale, où les opposants promettent de "ne pas lâcher l'affaire".
Un "changement de mentalité". Entrées en vigueur en septembre et paraphées devant les caméras par Emmanuel Macron depuis l'Élysée, les cinq ordonnances doivent être ratifiées par le Parlement pour avoir force de loi et ne pas devenir caduques. La ministre du Travail a vanté leur "effet psychologique réel" dans les PME, qui ont, selon elle, davantage "confiance pour embaucher". Les ordonnances initient "un changement de mentalité" et transforment "l'esprit du code du travail", a aussi affirmé dans son discours liminaire Muriel Pénicaud.
L'équilibre global ne changera pas. Sur le papier, les ordonnances peuvent être modifiées, avec quelque 360 amendements d'ici à la fin de la semaine, avant un vote solennel le 28 novembre. Le gouvernement prévoit d'ailleurs quelques retouches, notamment pour préciser des garanties aux salariés lors des nouvelles ruptures conventionnelles collectives ou exclure le bonus des traders du calcul des indemnités en cas de licenciement abusif. Mais l'équilibre global ne changera pas.
Les quelque 260 amendements des groupes de gauche - Nouvelle Gauche, Insoumis et communistes - ont peu de chances d'infléchir les mesures les plus controversées, comme la barémisation des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, la fusion des instances représentatives du personnel, dont le CHSCT, ou le rôle accru de l'accord d'entreprise.
Un "plan de marche anti-social". Les communistes comptent "ne pas lâcher" et "mener bataille d'arrache-pied". "Il a fallu 17 ans de travail législatif pour édifier le code du travail. Un siècle plus tard, il vous a fallu 17 semaines pour en faire une passoire", a lancé Pierre Dharéville, défendant vainement une motion de rejet.
Les Insoumis n'entendent pas "désarmer" contre un "plan de marche anti-social", même si Jean-Luc Mélenchon a reconnu récemment qu'Emmanuel Macron avait "le point pour l'instant". Ils rejettent les ordonnances "en bloc", comme avant d'entrer à l'Assemblée "la loi El Khomri", a affirmé Alexis Corbière. Les socialistes, qui ont échoué à renvoyer le texte en commission, dénoncent une réforme qui "accroîtra les inégalités" et satisfera "les plus grandes entreprises", selon Boris Vallaud.
Un "chantage à l'emploi" ? La gauche s'est inquiétée du référendum d'entreprise à l'initiative unilatérale de l'employeur et d'"un chantage à l'emploi", Sébastien Jumel évoquant un vote dans un Auchan sur le travail dominical où les caissières opposées auraient subi ensuite des emplois du temps plus défavorables.
Le rapporteur Laurent Pietraszewski (LREM), issu des ressources humaines, a défendu l'idée que "les salariés puissent exprimer leur avis" et désapprouvé, comme la ministre, les divers amendements, entre autres sur un vote à bulletins secrets. Il a aussi défendu le rythme controversé de négociation d'accords collectifs, sur plusieurs années, assurant que l'important est "le contenu".
Un vote déjà assuré. La ratification des ordonnances est assurée avec une majorité au-delà de LREM et MoDem. En août, l'habilitation avait été largement approuvée avec l'appui des LR et Constructifs. S'il défend "quelques amendements", le groupe LR "votera la ratification", selon son président Christian Jacob. À l'unisson d'autres LR, Stéphane Viry a salué "la mise en place de ce que nous demandons depuis de nombreuses années", mais il ne faut "pas s'arrêter là".