Il n'y a pas eu de surprise. Le contenu des ordonnances permettant de réformer le code du Travail, dévoilé jeudi par le gouvernement, est dans la droite ligne de ce qu'annonçait l'exécutif depuis plusieurs semaines et, bien avant ça, de ce que prônait Emmanuel Macron en campagne. L'objectif principal étant de fluidifier le marché du travail en offrant des garanties aux entreprises, notamment pour faciliter les licenciements, en échange de quoi l'exécutif espère qu'elles seront plus promptes à embaucher. "Nous savons que le droit du travail n'est pas la première cause du chômage en France", a doctement expliqué le Premier ministre, Edouard Philippe, jeudi. "Mais personne aujourd'hui ne peut sérieusement soutenir qu['il] favorise l'embauche, protège efficacement et aide au développement des entreprises."
Le gouvernement a ostensiblement fait le choix de se concentrer surtout sur les petites et les moyennes entreprises, dans lesquelles il voit un fort potentiel de créations d'emplois. "Pour la première fois, une réforme du code du Travail va donner la priorité aux TPE et aux PME", a ainsi déclaré la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, rappelant au passage que c'est le cas de la majorité des sociétés françaises. Et que ces petites et moyennes structures emploient plus de 6 millions de personnes.
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Indemnités prud'homales. L'une des mesures les plus connues et les plus attendues des ordonnances, le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, vaut certes pour toutes les entreprises. Mais combien de fois l'exemple du petit patron étouffé par une décision prud'homale a-t-il été donné pour justifier la mise en place de ce plafonnement ? Celui-ci est d'abord et avant tout destiné aux petites structures, qui n'ont pas les moyens financiers de régler des dommages et intérêts trop élevés.
Dialogue social sans syndicat. L'autre mesure phare contenue dans ces ordonnances, qui cristallise les controverses, est celle qui réforme le dialogue social dans les entreprises de moins de 20 salariés. Aujourd'hui, la plupart de ces sociétés n'ont pas de délégués syndicaux. Elles doivent donc se conformer aux accords de la branche à laquelle elles appartiennent, sauf pour des questions très précises, comme le travail le dimanche, qui peuvent être négociées en interne. Dans ses ordonnances, le gouvernement a voulu donner plus de marge de manœuvre aux patrons de ces TPE et PME, qui pourront désormais négocier tout ce qui ne relève pas des accords de branche directement avec un salarié ni élu, ni mandaté par un syndicat.
Proximité. Ces mesures sont des revendications de longue date du petit patronat, qui s'estime souvent pieds et poings liés à des accords de branche pas toujours adaptés à la situation précise de leur entreprise. L'objectif de l'exécutif est donc de passer à un dialogue social de proximité, qui permettrait à chaque structure de mieux s'adapter à la conjoncture et d'avoir ainsi plus de marges de manœuvre pour se développer. Pour le petit patronat, cela relève de l'évidence. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a ainsi salué jeudi une réforme "particulièrement pragmatique".
Déséquilibre. Mais les syndicats, eux, se révoltent. D'abord parce qu'ils ont peur, alors que le taux de syndicalisation reste très bas en France (environ 11%), d'être de plus en plus court-circuités. Surtout, ils pointent un déséquilibre potentiel dans les "négociations" entre un petit patron et son salarié. Celui-ci pourra-t-il réellement s'opposer à son employeur s'il n'a pas l'appui d'un syndicat derrière et, par ailleurs, croise son patron tous les jours du fait de la proximité induite par la petite taille de l'entreprise ?
Un "pari sur l'intelligence collective". Ce problème, le gouvernement ne l'ignore pas. Mais part du principe inverse : c'est justement parce que salariés et patrons seront proches, et souvent tous bien au courant des problématiques spécifiques à leur entreprise, qu'ils négocieront efficacement. "C'est un pari sur la confiance et l'intelligence collective des entreprises et des salariés", a résumé Muriel Pénicaud jeudi. Par ailleurs, de telles discussions ont, dans les faits, déjà court dans les petites structures. Les ordonnances jouent aussi le rôle de sécurisation juridique pour le patronat.
Mais le pari est jugé trop risqué par les syndicats qui, eux, estiment que le dialogue social cache en réalité de constants rapports de force.