"Je m'en remets désormais au suffrage universel." Il a suffi d'une petite phrase accordée au Figaro, vendredi, pour faire toute la lumière sur les intentions de François Fillon à la présidentielle. Le vainqueur de la primaire de la droite ira jusqu'au bout, quoi qu'il advienne.
Jeudi 26 janvier pourtant, alors que le candidat s'était retrouvé embourbé dans une affaire de détournements de fonds après les révélations du Canard Enchaîné, deux jours plus tôt, sur les rémunérations perçues par sa femme –rien n'était encore sorti sur ses enfants à l'époque–, il avait affirmé qu'il retirerait sa candidature en cas de mise en examen.
Une procédure qui sera longue. Que s'est-il passé en quelques semaines qui explique ce revirement, d'autant plus frappant que la campagne de la primaire de François Fillon a notamment été faite sur son absence de déboires judiciaires ? D'abord, la justice n'a pas lâché l'affaire. Jeudi, le parquet national financier (PNF) a publié un communiqué indiquant que les investigations se poursuivaient et que "les nombreux éléments déjà recueillis ne permettent pas d'envisager, en l'état, un classement sans suite de la procédure". Plus question, pour François Fillon, d'espérer un rapide blanchiment qui lui permettrait de poursuivre plus sereinement sa campagne dans les sept dernières semaines. La mise en examen est devenue beaucoup plus probable.
Charge contre le PNF. Ensuite, François Fillon a changé de stratégie de défense. Selon Le Monde, c'est en lisant les synthèses de l'enquête parues dans la presse le 6 février que lui est venue, ainsi qu'à son entourage, l'idée de changer de braquet. Et de miser plutôt sur un complot politique qui permettrait de remettre en cause l'indépendance de la justice. "À ce moment-là, on s'est dit que le jeu était asymétrique. L'action du PNF est politique", raconte un proche du candidat au quotidien du soir. Lors d'une conférence de presse organisée trois jours plus tard, les avocats de François Fillon pilonnent le PNF, affirmant qu'il n'est "pas compétent" et lui demandant de "se dessaisir de l'enquête afin de préserver les intérêts de [leur] client, et aussi et surtout, au nom de l'état de droit démocratique".
Pas de plan B, pas de retrait. S'en prendre à la justice permet à François Fillon d'appuyer sa décision de se maintenir. Sûrement aussi de se forger une image de martyr, stratégie usitée par Nicolas Sarkozy à chaque rebondissement judiciaire. Le candidat a pour lui un avantage : aucun plan B n'est prévu ni ne s'impose à droite s'il se retirait. Et plus le temps avance, plus il devient compliqué d'imaginer un retrait, les délais devenant trop serrés pour trouver un remplaçant.
François Fillon a donc tout intérêt à se maintenir, en dépit de troupes désabusées et des moqueries que pourrait susciter son opiniâtreté. Difficile en effet de justifier ce revirement pour quelqu'un qui, en septembre dernier, attaquait Nicolas Sarkozy et ses déboires judiciaires avec cette phrase devenue symbolique de la campagne de la primaire : "Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ?"