Passer d'une structure tournée vers la présidentielle et les législatives à un mouvement politique durable, voilà le défi actuel de la France insoumise. Et pour le parti de Jean-Luc Mélenchon, cela passe nécessairement par le soutien d'une partie de la jeunesse, avec sa force militante. Depuis plusieurs mois, franchir la grille des établissements scolaires est devenu l'un des objectifs des cadres Insoumis. Mais la règle est stricte : la moindre association politique est interdite dans les lycées, comme le stipule la convention internationale des droits de l'enfant.
Des activités militantes financées par le mouvement. Pour toucher les adolescents et mobiliser contre le gouvernement, la France insoumise a donc dû ruser. Elle n'a pas monté d'associations, mais des groupes d'appui dans les lycées, sans valeur juridique : concrètement, quelques amis Insoumis diffusent la bonne parole de Jean-Luc Mélenchon. Comme Solal, lycéen parisien de 17 ans : "La politique n'est pas supposée rentrer dans le lycée, mais les groupes d'appui ont été importants dans la mobilisation de samedi dernier. Cela m'a permis de proposer à des gens de mon lycée qui s'étaient inscrits à ce groupe d'appui de venir coller des affiches avec moi." Des activités militantes, directement financées par la France insoumise. Le mouvement distribue gratuitement aux lycéens tracts, affiches, autocollants, en plus des argumentaires officiels, et certains ont réussi à se faire élire délégués de classe pour accentuer leur influence.
Les syndicats lycéens ne veulent pas se faire doubler. À ce jour, on trouve des groupes d'Insoumis dans presque toutes les universités de France et dans une cinquantaine de grands lycées. Besançon, La Rochelle, Perpignan… Mais face à eux, les syndicats lycéens et étudiants, qui ont peur de se faire doubler, tentent de décrédibiliser ces structures. "L'intérêt des Insoumis c'est de se dire 'comment je m'adresse à une population abstentionniste' et 'comment j'alimente ma machine militante'. Il y a une hypocrisie dans la démarche et je pense que c'est la faille qui fait que ça ne fonctionnera pas", pronostique Alexandre Leroy, ex-président de la Fage.
Un membre du gouvernement inquiet. Mais la vague est suffisamment importante pour qu'un membre du gouvernement s'en inquiète en privé. Face à l'exécutif, les Insoumis ne font pas mystère de l'intérêt qu'ils portent à ces jeunes recrues. "Dès lors qu'un mouvement de jeunesse se met dans la rue, ça change la donne. Tout gouvernement craint que des mouvements de jeunes se mobilisent, par leur nombre et par leur force. C'est ce qu'on espère voir se passer dans les semaines à venir", ambitionne le député Éric Coquerel. La jeunesse dans la rue, ce proche de Jean-Luc Mélenchon sait que ça peut vite dégénérer. En 1986, la mort de Malik Oussekine avait ainsi abouti à l'abandon de la réforme Devaquet, sur les universités. Hors de question bien sûr de soupçonner les Insoumis de souhaiter un tel drame. Reste que lorsqu'on agite la jeunesse, le risque existe.