Le timing a été pensé avec soin, du côté d’Emmanuel Macron. L’ancien ministre de l’Economie s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle mercredi, à la veille donc du très attendu troisième et dernier débat de la primaire de la droite. Et évidemment, cela n’a rien d’une coïncidence. C’est que le fondateur d’En Marche !, compte bien être un facteur d’incertitude de plus dans ce scrutin qui n’en manque déjà pas. Car Emmanuel Macron, qui veut transcender le clivage-droite-gauche, peut en effet bouleverser la donne, à seulement quatre jours du premier tour. C’est en tout cas son intention.
Juppé a le plus à perdre
Parmi les sept candidats de la primaire, c’est incontestablement Alain Juppé qui a le plus à perdre dans l’affaire. Car le maire de Bordeaux est celui qui engrange le plus parmi les voix centristes et parmi les électeurs de gauche qui se disent prêts à aller voter. Ceux-là pourraient être tentés par un vote Macron, et donc ne pas faire l’effort de se déplacer aux urnes dimanche. La stratégie est assumée. "On souhaite qu'il y aille avant la primaire de la droite. Il y a des gens qui sont tentés d'aller voter Juppé, il faut leur offrir une alternative", déclarait ainsi mardi un parlementaire proche d’Emmanuel Macron à l’AFP.
L’explication de cette stratégie est à trouver dans les sondages. Au premier tour, s’il affronte Alain Juppé, Emmanuel Macron ferait un score sensiblement plus bas que si Nicolas Sarkozy représentait la droite. 14% dans un cas, 18% dans l’autre, selon une enquête Kantar Sofres d’octobre 2016. La différence n’est pas négligeable.
Le maire de Bordeaux est bien conscient du risque. Il s’attache donc à renvoyer l’ancien ministre à ses origines : l’entourage de François Hollande. "Pour moi, M. Macron est le coauteur de la désastreuse politique économique conduite depuis 2012. Il essaie aujourd'hui sans doute de se refaire une virginité", a jugé Alain Juppé lors d’un déplacement dans l’Yonne. "Il a vite appris la politique politicienne : d'abord la trahison vis-à-vis de François Hollande qu'il a poignardé dans le dos, maintenant ce jeu qui ne m'intéresse pas." L’ancien Premier ministre a beau feindre l’indifférence, cette candidature est un problème pour lui. Reste à savoir dans quelles proportions.
Un argument pour Le Maire
S’il en est un qui voit la candidature d’Emmanuel Macron d’un bon œil, c’est Bruno Le Maire. La réaction du député de l’Eure a d’ailleurs largement détonné avec celles des autres personnalités politiques, de droite comme de gauche. Point de condamnation, ni de l’initiative ni de l’homme, mais un constat qui l'arrange bien, lui le chantre du renouveau.
"La candidature d'Emmanuel Macron, ça change la donne. Ça bouscule les choses aussi à droite", a-t-il affirmé, entonnant son refrain préféré, celui du renouvellement. Là où ça change la donne, c'est que si nous avons partout du renouvellement, du renouvellement à gauche avec Emmanuel Macron, du renouvellement chez les Verts (...), et que le seul parti qui ne se renouvelle pas c'est le parti de la droite et du centre, ça nous met en risque pour l'élection de 2017". En chute dans les sondages, Bruno Le Maire n’a plus grand-chose à perdre. Il a donc tout intérêt à jouer, aussi, la carte Macron.
Macron dans le débat
Vous avez prévu de suivre le débat de la primaire jeudi soir ? Voici ce qu’il faudra surveiller lors que le cas Macron sera abordé :
- Comment Alain Juppé va-t-il réagir ? En toute logique, il devrait avoir des mots très durs à l’encontre de l’ancien ministre, et réfuter toute proximité politique avec lui.
- Nicolas Sarkozy va-t-il ménager le fondateur d’En marche ! ? En profitera-t-il pour tacler le maire de Bordeaux sur ce sujet ? Pas impossible. L'ancien président de la République se rappelle sans doute qu'en avril 2016, Jean-Pierre Raffarin, soutien d'Alain Juppé avait affirmé qu'"au total, (il ne voyait) aucune incompatibilité entre Emmanuel Macron et Alain Juppé". Après François Bayrou, Emmanuel Macron pourrait devenir un autre argument pour pousser au centre le maire de Bordeaux.
- Bruno Le Maire va sans doute s’appuyer sur le cas Macron pour répéter que le système politique a besoin de renouveau. Lui a tout intérêt à ce que le sujet soit abordé le plus longtemps possible, pour tenter de ringardiser ses adversaires.