Seul contre tous. Manuel Valls avait pris quelques coups lors du premier débat de la primaire de la gauche. Pour le second, dimanche soir, c'est à une véritable fronde de ses adversaires qu'il a été confronté. Vincent Peillon, déjà relativement offensif jeudi dernier, est allé à la confrontation avec l'ancien Premier ministre sur la question de l'accueil des réfugiés. Évoquant un "désaccord profond", l'ex-ministre de l'Éducation nationale a pilonné les propos tenus par Manuel Valls à Munich en février 2016. À l'époque, le chef du gouvernement avait assuré que l'Europe ne pouvait pas accueillir plus de réfugiés.
Valls isolé... Sur la laïcité aussi, Manuel Valls s'est retrouvé isolé. Lui propose une charte à adosser à la Constitution. "Les cadres actuels suffisent", a balayé Benoît Hamon. Quant à Arnaud Montebourg, il a déclaré qu'il "ne [se] hasarderait pas à faire des chartes". La définition de ce que doit être un président de gauche aussi était l'occasion rêvée pour les anciens ministres d'attaquer leur meilleur ennemi. "Le prochain président de la République devra être un homme de gauche qui ne clivera pas la gauche", a lancé Benoît Hamon, allusion sans appel aux divisions qui parcourent son camp depuis trois ans et l'arrivée de Manuel Valls à Matignon. Lui président, Vincent Peillon "sortira du débat public tous les débats identitaires qui, depuis dix ans, abîment notre pays et le tirent vers le bas". Manuel Valls, en pointe sur des polémiques comme celle du burkini, ne pouvait que le prendre pour lui.
Attaqué de toute part, l'ex-Premier ministre a fait bonne figure, voire tenté un trait d'humour. "Je ne me sens jamais visé par Vincent Peillon", a-t-il ainsi osé pendant le débat, arrachant des sourires à son auditoire.
...mais Valls expérimenté. En réalité, ces piques répétées ne nuisent pas nécessairement au candidat. D'abord parce qu'elles le placent au centre du jeu. Lors des deux premiers débats, Manuel Valls s'est exprimé sur la totalité des sujets, a répondu pied à pied à ses adversaires. Aucun risque, ainsi, de passer inaperçu ou de sembler fade, contrairement à un Arnaud Montebourg qu'on pouvait attendre plus offensif.
Surtout, le "tout sauf Valls" permet au principal intéressé d'adopter sa position préférée : celle d'ancien Premier ministre responsable, qui sait exactement ce qu'implique la pratique du pouvoir. "J'ai l'expérience pour être président de la République", a-t-il martelé. Répétant sa "fierté" d'avoir été aux manettes, il met l'accent sur la "responsabilité" qui a été la sienne et la "maîtrise" nécessaire pour discuter avec les autres chefs d'État européens. Le débat a été pour lui l'occasion "de démontrer que la gauche de gouvernement se confronte au réel, et pas qu'à la théorie", estime ainsi le porte-parole de l'ex-Premier ministre, Olivier Dussopt. "Sur les questions internationales, cela lui a permis de montrer qu'il maîtrise les dossiers en cours et qu'il est directement opérationnel." Et c'est bien en montrant qu'il est le seul à avoir les épaules pour endosser le costume de président que Manuel Valls espère faire la différence.
Singularité. Ce faisant, Manuel Valls poursuit sur la lancée qui lui avait permis de devenir l'une des personnalités politiques les plus populaires du camp socialiste. Après avoir donné un coup de volant à gauche mal compris même par ses proches, en proposant par exemple de supprimer un article 49.3 qu'il a pourtant abondamment utilisé lorsqu'il était à Matignon, l'ancien chef du gouvernement rejoue la carte de la fermeté et du réalisme. Cela faisait sa spécificité et son succès auprès de ses troupes. Il espère bien que cela le portera au plus haut.