Comment Valls tente de rester dans la lumière

Manuel Valls apparaît très isolé mais omniprésent. © XAVIER LEOTY / AFP
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On a cru l'ancien Premier ministre fini après sa défaite à la primaire socialiste l'année dernière. Persona non grata à gauche, Manuel Valls continue pourtant de faire entendre sa petite musique.

On ne meurt jamais en politique. Le général de Gaulle, Alain Juppé ou encore Nicolas Sarkozy l'ont prouvé par le passé. S'il fallait prendre un exemple contemporain, sûrement serait-ce celui de Manuel Valls. L'ancien Premier ministre a tout connu. L'ascension, des 6% à la primaire socialiste de 2011 jusqu'à Matignon trois ans plus tard. Et la chute, de la tête du gouvernement à la défaite de la primaire socialiste de 2017. Essoré par la fin du quinquennat Hollande, battu par Benoît Hamon, paria en son parti qu'il a fini par quitter après avoir refusé de soutenir son candidat à la présidentielle, Manuel Valls semblait fini. C'était sans compter l'adage, qui s'est vérifié une nouvelle fois.

"Rattaché" à LREM. L'ancien Premier ministre a réussi à se faire réélire député de l'Essonne en juin. Dans son fief, certes. Sans candidat LREM en face. Et sur le fil, lors d'un scrutin entaché de soupçons de fraude, que le Conseil constitutionnel a finalement validé. Mais la renaissance n'en est pas moins partie de là. Toujours persona non grata chez les socialistes, Manuel Valls a trouvé une place sur les bancs de l'Hémicycle en tant qu'élu "rattaché" à LREM. Désormais, il profite de ce statut un peu flou pour jouer entre, d'un côté, son soutien à la politique gouvernementale et, de l'autre, sa volonté de garder une voix propre qui porte.

Petite musique personnelle. Sa voix, l'ancien premier ministre n'a cessé de la faire entendre cette semaine. Une matinale sur Europe 1, une interview aux Échos, des confidences au Monde et au Point. Avec, toujours, cette volonté de trouver un équilibre entre petite musique personnelle et accord avec l'exécutif. "Nous vivons un petit miracle en France avec l'élection d'Emmanuel Macron", expliquait ainsi Manuel Valls sur Europe 1 jeudi matin. "Comme patriote, je souhaite la réussite de ce quinquennat." Ce qui n'empêche pas le député de l'Essonne de prévenir : oui, il faut réformer la SNCF, mais "avec méthode", en évitant toute "paralysie". Oui, il faut réformer la Constitution, mais "dans le respect de tous les acteurs. C'est vrai du Parlement." Savoureux de la part de celui qui, en tant que Premier ministre, avait choisi de passer aux forceps de l'article 49.3  sur deux projets de loi.

Laïcité, Constitution. Qu'importe. Manuel Valls assume, met en avant le fait qu'il est "rattaché" à LREM et non membre du parti, admettant dans les colonnes du Monde que c'est un statut "confortable". Il joue, aussi, sur son expérience. "Je peux être utile au pays et au sein de la majorité", assure-t-il au quotidien du soir. Pas question de se la jouer discret sur "ses" sujets, notamment la laïcité. À l'automne 2017, il avait multiplié les déclarations, pressant Emmanuel Macron de faire un grand discours sur cette question. Peine perdue, le président avait préféré renoncer, se disant simplement "vigilant" face au risque d'une "radicalisation de la laïcité". Il avait été immédiatement sermonné sur Europe 1 par Manuel Valls.

Et l'ex-Premier ministre enchaîne. Bien sûr, il profite de sa position à la tête de la mission d'information sur la Nouvelle-Calédonie pour s'exprimer sur l'indépendance du "Caillou". Mais ne se limite pas à cela. Lui ne veut pas de mention de la Corse dans la Constitution, comme il l'a exprimé devant Edouard Philippe en réunion de groupe à l'Assemblée. Il était également contre l'abandon de Notre-Dame-des-Landes et ne s'est pas privé pour le dire haut et fort. Au risque d'agacer au sein de la majorité.

" Certains jeunes députés LREM ont été horribles avec Manuel Valls. "

"De mon temps…" L'intégration a d'ailleurs été difficile au début. "Pas évident", évacue rapidement Manuel Valls dans les colonnes du Monde. Les premiers jours de la nouvelle législature, l'été dernier, l'ex-chef du gouvernement redevenu député rase les murs et évite les caméras. Son rattachement à la majorité reste en travers de la gorge de certains députés de la majorité. Le fossé se creuse notamment avec les jeunes parlementaires, qui apprécient peu les manières de celui qui a plus de 30 ans de militantisme au PS derrière lui. Et ne se prive jamais d'un petit commentaire, comme celui lâché après avoir passé la tête par la porte entrebâillée d'un député fraîchement élu : "De mon temps, les petits jeunes n'avaient pas un bureau aussi grand…" "Certains jeunes ont été horribles avec lui", tempère un parlementaire socialiste passé chez LREM. Aujourd'hui encore, la majorité reste partagée entre la déférence envers l'ancien Premier ministre et le rejet de l'ancien monde qu'incarne le parlementaire.

"On lui demande encore son avis". Du côté de ceux qui sont restés au PS, on prend ses distances. "Ce qui m'a intéressé, c'était le maire d'Evry. Pas le mec qu'il est devenu. Les gens changent", assène Luc Carvounas, qui a pourtant été l'un des plus vallsistes du quinquennat Hollande. D'autres jouent les étonnés face à cette omniprésence médiatique qui perdure. "On lui demande encore son avis, tout le temps, sur tous les sujets…", soupire un socialiste.

Ne pas couler avec le PS. Manuel Valls, lui, n'est pas plus tendre avec son ancienne famille politique. "J'ai tourné la page", explique-t-il au micro d'Europe 1. "Le PS, faute d'avoir répondu aux questions qui se posait à la société française dans les années 2000, a subi de plein fouet toutes les contradictions dans l'exercice du pouvoir, ce qui explique en grande partie le résultat du quinquennat précédent. La social-démocratie est en fin de cycle. En France, le PS est mort." Et l'ancien Premier ministre est bien décidé à tout faire pour ne pas couler avec lui.