Coronavirus : Oliver Véran répond à vos questions

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Romain David et Pauline Rouquette , modifié à

Olivier Véran, le ministre de la Santé, a indiqué sur Europe 1 vendredi que des masques de protection "à haut niveau de technicité", de type "FF2", allaient être distribués aux soignants, en priorité dans les zones où le coronavirus est le plus actif, puis sur l’ensemble du territoire.

Fermeture des établissement scolaires, prolongation de la trêve hivernale mais maintien des élections municipales… Emmanuel Macron a annoncé jeudi soir une série de mesures pour tenter de mettre un coup d’arrêt à la propagation de l’épidémie de coronavirus sur notre territoire. Vendredi matin, Olivier Véran, le ministre de la Santé, était l’invité de la matinale d’Europe 1. L’occasion pour les auditeurs d’interpeller directement le ministre sur cette crise sanitaire inédite. Voici ses réponses :

Je suis infirmière libérale. Quelles protections mises en place pour nous ? Serons-nous réquisitionnées par les hôpitaux ?

"Nous devons la protection à ceux qui nous protègent. Il faut armer les infirmières, les médecins, mais aussi les kinés, les dentistes, tous les acteurs de santé en ville. Il leur faut des armes dans cette bataille contre le virus. Je suis en train de rendre public la doctrine d’utilisation des masques de protection. J’ai informé les leaders syndicaux, ainsi que le président du Conseil national de l’ordre des médecins, qu’ils auraient des masques FFP2, c’est-à-dire les masques à haut niveau de technicité. C’est immédiat. La logistique se déploie d’abord vers les sites où la circulation du virus est la plus active, puis très progressivement sur tout le territoire national.

Pourquoi avoir attendu tout ce temps avant de distribuer des masques ? Il y a eu un cri d’alerte de la part des professionnels de santé libéraux, qui se sont même demandés où était passé le stock stratégique de notre pays en masques chirurgicaux...

J’ai destocké deux fois 15 millions de masques, par camions, dans toutes les officines de France. Ces masques ont été fortement consommés la première fois, y compris par des gens qui ne relèvent pas de la doctrine du port de masque. Maintenant, la doctrine est claire : ne portez pas de masque si on ne vous demande pas expressément d’en porter. Il y a eu également la question de l’acheminement de ces masques. Mais nous sommes le seul pays à avoir fait une réquisition nationale des stocks et des moyens de production. Pas un masque, en France, ne quitte le pays !

Les services de santé français peuvent-ils se retrouver dans le cas de l’Italie, jusqu’à devoir sélectionner les patients qui ont le plus de chances de s’en sortir ?

Je ne fais pas de scénario catastrophiste. Nous préparons notre hôpital, nos services de réanimation pour faire face à toute éventualité. J’ai appelé tous les directeurs des agences régionales de santé, et je leur ai demandé, sans délai, d’annuler toute activité hospitalière non programmée dans tous les hôpitaux du pays, de manière à libérer les ressources, les plateaux techniques, et permettre de réorienter du personnel compétent vers des activités de prise en charge urgente des malades. Cela nous permet déclencher le 'plan blanc' maximal par anticipation. […] Le nombre de formes graves qui arriveront à l’hôpital dépendra du nombre de gens qui vont attraper le virus. Les mesures que nous mettons en place visent à faire en sorte que ce nombre soit le plus réduit possible.

Pourquoi le nombre de tests de dépistage est-il limité en France ?

Le test a pour but de confirmer un diagnostic clinique de maladie. Il est fondamental de le faire quand le virus n’est pas là ou quand il commence tout juste à circuler, pour pouvoir le repérer, le confiner et l’empêcher de circuler. Lorsque vous êtes dans une zone active du virus où il y a des centaines de malades, vous pouvez commencer à envisager un diagnostic clinique. Lorsque les patients ont un état sévère, qu’ils sont à l’hôpital, que ce sont des soignants ou des personnes qui travaillent au contact d’un public fragile, le test restera indispensable. 

En revanche, lorsque ce sont des gens qui peuvent être confinés et qui ne présentent pas de signes graves, on les renvoie à la maison. Il y a beaucoup de Français qui ont des tests parce qu’ils ont une profession sensible ou sont entrés en contact avec beaucoup de personnes. La plupart des gens qui ont besoin des tests, ont déjà les tests. Ce qui est important, c’est que les gens soient confinés chez eux.

Les médecins italiens appellent à l’aide. Pourquoi la France ne les aide-t-elle pas ?

On les aide, peut-être pas suffisamment aux yeux des Italiens, parce que nous sommes aussi dans une situation de niveau élevé. Mais j’ai été le premier ministre de la Santé en Europe à aller à Rome, deux jours après le premier cas déclaré là-bas. J’ai le ministre italien de la Santé au téléphone quatre à cinq fois par semaine."

Quelle est l’incertitude, l’inconnue qui vous taraude le plus, car vous êtes en charge de la santé des Français et que chacune de vos décisions a un impact sur nos vies ?

L’heure n’est pas au bilan, mais je souhaite qu’il ait lieu en toute transparence. J’ai suivi, comme médecin et passionné de santé publique, le déroulé et la prise en charge de crises sanitaires dans notre pays. Nous sommes un pays qui a été marqué par des crises sanitaires qui n’ont pas été gérées en transparence : nous sommes le pays du sang contaminé, le pays de l’amiante, le pays de la vache folle, le pays des grippes avec des gestions parfois difficiles à faire entendre et accepter. Or, cette transparence est indispensable.

J’ai beaucoup de questions, les Français en ont aussi. Moi, j’ai l’avantage de pouvoir trouver des réponses auprès de ceux qui savent, avec des experts qui travaillent collectivement et qui nous font des recommandations qui évoluent chaque jour. Je vis entouré de données, de sciences, et je crois que c’est ce qui nous permet de prendre des décisions qui sont rationnelles. Des décisions que nous prenons au bon moment, pour les bonnes personnes."