Amnesty International a pressé la France lundi de modifier sa loi sur les crimes contre l'humanité commis à l'étranger, pour s'assurer de pouvoir traduire devant la justice française d'éventuels criminels de guerre en Ukraine ou en Syrie, entre autres, et ne pas devenir une terre d'"impunité". "Il faut un changement de loi, une révision de la loi et lever ces verrous pour revenir à une compétence universelle qui soit compatible avec les obligations de la France", a exhorté en conférence de presse Me Jeanne Sulzer, avocate d'Amnesty International France.
Seul le parquet peut engager des poursuites
La traduction dans le droit français en 2010 du statut de la Cour pénale internationale (CPI) a introduit plusieurs conditions restreignant la compétence universelle de la France. À ce jour, la justice française ne peut se saisir que si un auteur ou une victime d'un crime de guerre à l'étranger est français, ou si un auteur a sa résidence habituelle sur le territoire national. La loi du pays où ont été commis ces crimes doit reconnaître les crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Seul le parquet peut engager des poursuites, et il doit préalablement s'assurer de l'absence de poursuite diligentée par la CPI ou un autre Etat compétent.
"Ces verrous, c'est une garantie d'impunité devant les juridictions françaises pour ces crimes les plus graves", a insisté Me Sulzer. À ce jour, sept enquêtes sur de possibles crimes de guerre commis en Ukraine sur des ressortissants français ont été ouverte à Paris. Selon Oksana Pokalchuk, directrice général de l'ONG à Kiev, "s'apercevoir que la France, qui a envoyé policiers et gendarmes collecter des preuves en Ukraine, pourrait devenir une terre de refuge pour les criminels de guerre en raison d'une frilosité excessive de ses textes pour poursuivre en France les auteurs de crimes internationaux, est incompréhensible et stupéfiant".
"Il est important que la France mène des enquêtes de qualité"
Selon l'ONU, 4.500 civils ont été tués en Ukraine à dater du 15 juin. "L'Ukraine n'est pas capable d'enquêter sur tous ces crimes de guerre. Il est important que la France puisse mener des enquêtes de haute qualité", a-t-elle ajouté, estimant que les enquêtes françaises pourraient être "un message pour de nombreux pays" sur ce qui se passe en Ukraine. "Il faut continuer à combattre l'impunité et l'immunité", a ajouté Marzen Darwish, directeur général du Syrian Center for Media and Human Rights.
En novembre, la Cour de cassation a estimé que la justice française était incompétente dans l'affaire d'un ex-soldat du régime de Bachar al-Assad, poursuivi pour complicité de crimes contre l'humanité. Cette décision a provoqué un séisme dans le monde judiciaire et des organisations de défense des droits de l'Homme. La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français pourrait réexaminer le dossier dans les prochains mois.