Pas un jour en Bretagne sans un blocage d'agriculteurs. Jusqu'à jeudi soir, de nombreux axes routiers étaient encore bloqués par des éleveurs bien décidés à attirer l'attention de l'exécutif sur la crise du porc. Exaspérés, les syndicats en appellent désormais à leur président de région, qui n'est autre que Jean-Yves Le Drian.
Le Drian silencieux. Celui-ci sera bien en Bretagne vendredi après-midi. Mais son programme n'a rien à voir avec l'élevage porcin. Le ministre de la Défense doit signer une convention sur la couverture Internet haut débit avec le patron d'Orange. En réalité, Jean-Yves Le Drian a vu les éleveurs bretons pour la dernière fois le 18 janvier. Depuis, il se fait très discret, si l'on excepte deux interviews, accordées jeudi et vendredi respectivement à Ouest-France et aux Echos. "Le fonctionnement de la filière [porcine] est devenu caduc", explique le président du conseil régional de Bretagne dans ce second entretien. "La filière doit se réorganiser." Pas vraiment de quoi apaiser la situation.
La colère monte. Les syndicats sont donc très remontés. "On se fout de notre gueule", lance l'un d'entre eux. La colère monte et cible désormais Jean-Yves Le Drian, dont la maison a été encerclée par des tracteurs il y a quelques jours. Les Bretons veulent le voir davantage sur le terrain. Ce qui est rendu très difficile par le cumul des mandats du ministre de la Défense.
Interlocuteur unique des éleveurs. Certes, ce cumul était prévisible après la (large) victoire de Jean-Yves Le Drian aux régionales. Mais sa position devient intenable depuis que le président de Région et ministre de la Défense est aussi devenu, de facto, ministre de l'Agriculture. Les éleveurs refusent désormais de parlementer avec Stéphane Le Foll. Jean-Yves Le Drian est devenu leur interlocuteur unique et ils attendent qu'il défende leurs intérêts. D'autant plus que ce proche de François Hollande a l'oreille du président. Si les arbitrages du gouvernement les déçoivent, c'est donc bien au ministre breton que les agriculteurs en voudront.
Le cumul devenu anachronique. La crise en Bretagne est la démonstration que le cumul des fonctions est devenu anachronique, insupportable pour les électeurs. Ce qui est frappant, c'est que ni l'Elysée, ni le ministère de la Défense ne semblent en avoir conscience. "Le ministre suit la crise au téléphone au jour le jour", indique son cabinet, quelque peu exaspéré. "Que voulez-vous qu'il fasse de plus ? Qu'il mette en bonnet rose ?" Et à l'Elysée, on explique que la véritable priorité est de défendre le pays. François Hollande pourrait pourtant redresser la barre. Il lui suffirait, lors du remaniement imminent, de rendre aux Bretons leur président de Région.