On a connu le FN plus disert. Alors que la France est empêtrée dans un début de pénurie d’essence, alors que la mobilisation contre la loi Travail se poursuit, alors que le climat social n’a sans doute jamais été aussi tendu depuis l’accession de François Hollande à l’Elysée, le Front national, et sa présidente Marine Le Pen en particulier, reste des plus discrets. C’est qu’entre le gouvernement d’un côté et les syndicats de l’autre, le parti frontiste peine à choisir son camp. En outre, la loi Travail divise au sein de la formation d’extrême droite, comme nombre d’autres sujets, touchant majoritairement à l’économie.
"La situation les arrange", estime Bertrand. Pour expliquer ce silence, Xavier Bertrand a son idée. "Il y a un parti politique qui est aux abonnés absents et c’est proprement scandaleux, c’est le FN", a-t-il lancé mercredi sur Europe 1. "Eux qui sont en général à s’exprimer sur tout et tout le temps, aujourd’hui sont muets parce que la situation les arrange", a-t-il accusé. "Cette chienlit et tout ce gâchis, cela profite aux intérêts de Madame Le Pen car elle, son intérêt, ce n’est pas l’intérêt national c’est qu’il y ait le plus de gâchis, le plus de problèmes possibles", a conclu le président des Hauts-de-France, qui avait affronté Marine Le Pen lors des dernières élections régionales.
Marine Le Pen sort (enfin) de son silence. Marine Le Pen, après plusieurs jours de silence malgré la grogne sociale grandissante, s’est enfin exprimée mercredi, quelques heures après les accusations de Xavier Bertrand. Mais elle l’a fait par l’intermédiaire de son blog, qui a forcément moins d’écho qu’une intervention médiatique. Dans ce billet intitulé "La France exaspérée", en référence à son slogan "La France apaisée", la présidente du FN renvoie dos à dos gouvernement et syndicalistes, même si elle réserve évidemment ses piques les plus sévères au premier. "Le gouvernement porte l’entière responsabilité de la situation d’exaspération que connaît la France", écrit-elle. "Par son entêtement à faire passer une loi Travail qui ne ravit que l’ex-UMP, le président Hollande et le premier ministre Valls, le gouvernement brutalise les rapports sociaux et agresse les Français", poursuit-elle en demandant de "retirer immédiatement la loi Travail".
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Mais Marine Le Pen n’oublie pas les syndicalistes, qui ne sont traditionnellement pas une population favorable au FN, même si la donne a tendace à changer ces dernières années. "Certains représentants syndicalistes, qui ne représentent qu’eux-mêmes et qui sont toujours aux abonnés absents quand il s’agit de combattre les vrais problèmes (en l’occurrence l’obsession ultra-libérale bruxelloise), portent une lourde responsabilité dans le chaos que connaît aujourd’hui le pays. Ils mettent en difficulté nombre de salariés et d’entreprises en désorganisant les transports et en installant un tel chaos en France", dénonce la présidente du Front national, qui évoque aussi "la vindicte qui s’exprime de façon navrante et insupportable pour nos compatriotes".
Un entre-deux. Tout virulente qu’elle soit, la réponse de Marine Le Pen reste tardive et surtout discrète, puisqu’un billet de blog a forcément moins de retentissement qu’une intervention médiatique, en radio ou en télé. C’est que le FN est dans un entre-deux. D’un côté, le parti frontiste, par essence ferme partisan de l’ordre, ne peut décemment pas soutenir un mouvement en train de se durcir radicalement. De l’autre, il n’oublie pas que, selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi, 69% des Français sont partisans d’un retrait de la loi Travail pour mettre fin aux blocages, des raffineries et des dépôts de carburant notamment. Face à cette difficile équation, autant rester en retrait.
Le nouvelle illustration d’une fracture. Il y a, aussi, un mal plus profond. Et c’est toujours le même pour le FN. Au sein même du mouvement, deux lignes économiques s’affrontent, l’une étatiste, l’autre plus libérale. Alors forcément, la loi Travail, comme avant elle la sortie de l’euro, la question des retraites ou celle des impôts, divise. Dès mars 2016 et la présentation du projet de loi, la division avait éclaté au grand jour. "La réforme du droit du travail est une partie de la solution", plaide Marion Maréchal-Le Pen, tenante d’une ligne ultra-libérale, le 9 mars 2016 sur France Inter. "Je trouverais dommage de passer à côté de l'opportunité de prendre des mesures qui puissent aller dans le sens des aspirations des entreprises". Florian Philippot, son ennemi intime, celui qui a l'oreille de Marine Le Pen, rétorque deux jours plus tard sur Europe 1. "C'est la loi de la dérégulation du travail et d’une précarisation générale de la société". Difficile donc de contenter les uns sans fâcher les autres. Là encore, pour le FN, le plus prudent est encore, une fois n’est pas coutume, de ne pas trop s’épancher sur la question.