"Ici, il y a 80 ans, des Français ont tué d'autres Français." Emmanuel Macron a rendu mardi un hommage inédit au maquis du Vercors pour rappeler aussi, lors de cette étape des commémorations de la Libération, ce "temps où des Français n'aimaient pas la France". C'est la première fois qu'un président de la République participe à une cérémonie d'hommage à Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme, théâtre en juillet 1944 du massacre de 73 villageois par la Wehrmacht.
Une cérémonie qui tranche avec la tradition
"Ils avaient de 18 mois à 91 ans", a dit le maire, Thomas Ottenheimer, devant le martyrologe, un bas-relief sur la place principale recensant les victimes, dont des jeunes ont ensuite scandé les noms. Il a prôné "apaisement" et "rassemblement" car ces "noms gravés à jamais dans la pierre" montrent "où mène la haine". Charles de Gaulle n'avait fait ici qu'une halte rapide en 1963, et Nicolas Sarkozy s'était rendu en 2009 dans le village voisin de La Chapelle-en-Vercors.
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La venue d'un chef de l'Etat à Vassieux, "c'est la moindre des choses", estime donc Daniel Huillier, 96 ans, président national des Pionniers du Vercors. Il relève que cette cérémonie tranche avec la tradition, qui veut que l'on commémore à Vassieux le 21 juillet, date de l'assaut final et particulièrement cruel des troupes allemandes qui tua dans le Vercors 840 résistants et civils.
"Ils n'aimaient pas de Gaulle et l'esprit de résistance"
Le choix du 16 avril correspond à la première attaque de la milice française. "Souvenons nous aussi de ces Français, de leur choix et de leurs fautes", a déclaré entre deux bourrasques glacées et quelques flocons Emmanuel Macron, après avoir salué la mémoire de cette "République du Vercors" qui avait tenu tête à l'occupant. "Français prêts à tuer d'autres Français et avec eux, cette certaine idée de la France. Français rongés par l'esprit de défaite, inséparable de la haine de la République".
"Car ce n'était pas seulement un temps où les Français ne s'aimaient pas. C'était aussi un temps où des Français n'aimaient pas la France. Oui, ceux-là n'aimaient pas la France des Lumières ou celle de 1789 et de l'An 2. Ils n'aimaient pas Voltaire, Rousseau, Hugo, Zola. Ils n'aimaient pas de Gaulle et l'esprit de résistance", a-t-il ajouté.
Pour le président, "le chemin du Vercors doit être remémoré, vertige de l'abaissement ou sursaut vers la cime". Son entourage assume de "prendre l'histoire en bloc". "Faire mémoire, c'est montrer aussi toutes les zones grises", explique un proche à l'AFP. Dans ce petit village austère de la montagne drômoise, reconstruit après avoir été entièrement détruit à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le chef de l'Etat s'était auparavant rendu à la nécropole de la résistance. Une nouvelle étape de son cycle mémoriel pour marquer le 80e anniversaire de la Libération.
L'apogée des commémorations en juin prochain
René Heren, 17 ans au printemps 1944, 97 aujourd'hui, se souvient de ce "temps du patriotisme", lui qui avait participé à des opérations de sabotage contre les nazis et au transport de blessés vers l'hôpital de campagne du maquis, à Romans-sur-Isère - "ce qui m'avait évité le massacre du 21 juillet" à Vassieux. "On ne voulait pas que notre pays soit envahi", glisse-t-il, la voix serrée par l'émotion.
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Emmanuel Macron s'est déjà rendu au début du mois sur le plateau des Glières, autre maquis décimé, et à la maison d'Izieu, où des enfants juifs furent raflés par la Gestapo. L'apogée des commémorations aura lieu en juin en Normandie, en souvenir du débarquement allié. Les organisateurs ont fait savoir mardi que la Russie serait bien invitée en juin, mais pas son président Vladimir Poutine, en raison de la guerre en Ukraine.
Formé "dès l'invasion de la zone libre" par les nazis en novembre 1942, le maquis du Vercors, d'abord composé de "réfractaires" au service du travail obligatoire - mis en place par Vichy au profit de l'occupant - compta jusqu'à 4.000 hommes, dont une cinquantaine de tirailleurs sénégalais et une trentaine de lycéens polonais, a rappelé un conseiller présidentiel à des journalistes.
Avec 10.000 soldats allemands, l'opération de répression de juillet 1944 contre ce maquis fut la plus grosse menée par la Wehrmacht contre les résistants dans toute l'Europe de l'Ouest. Vassieux est l'une des cinq communes élevées à la dignité de Compagnon de la Libération avec Paris, Nantes, l'Ile de Sein et Grenoble.