François Hollande veut sortir du piège dans lequel il s’est lui-même fourré. En annonçant le 16 novembre, devant le Congrès réuni à Versailles, vouloir inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution, le président de la République a ouvert un débat interminable qui a profondément divisé la gauche. Pour y mettre fin, et pour tenter de réunir la fameuse majorité des 3/5e des parlementaires indispensables à sa révision constitutionnelle, le chef de l’Etat va recevoir à l’Elysée. D’abord les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, vendredi, puis une délégation des groupes parlementaires, vendredi. Nicolas Sarkozy, notamment, en sera. A l’issue de ces rencontres, il saura le chemin qui lui reste à parcourir pour remporter la bataille.
Limiter la navette parlementaire. Face aux présidents des deux chambres, mercredi à 17 heures, François Hollande montrera sa volonté de ne pas voir le texte faire trop d’allers-retours entre l’Assemblée, qui débutera son examen le 5 février, et le Sénat. Car ces navettes parlementaires, selon la formule consacrée, prennent du temps, et risquent de retarder d’autant une éventuelle adoption devant le Congrès. Fatalement, les problèmes viendront du Sénat, majoritairement à droite. C’est donc d’abord Gérard Larcher que le président de la République tentera de convaincre. Sans grand espoir d’ailleurs. Car la semaine passée, lors de ses vœux, le président du Sénat a laissé entendre que le texte adopté au Sénat serait "différent". D’où un aller-retour de plus, et quatre semaines à rajouter dans le calendrier. Or, pour la présidence, le débat sur la révision constitutionnelle n’a que trop duré.
Sortir une épine du pied du PS. Ce n’est sans doute pas une coïncidence. L’annonce des rendez-vous élyséens a été faite lundi soir, alors que le Parti socialiste réunissait un bureau national censé trancher, enfin, la question de la déchéance de nationalité. Finalement, le PS a pu grâce à cette annonce décider de ne rien décider en donnant "mandat" à Jean-Christophe Cambadélis, qui sera de la délégation socialiste vendredi pour faire part des réserves, le mot est faible, des socialistes en matière de déchéance de nationalité.
Le même mandat à été donné au président de la commission des Lois de l’Assemblée, Jean-Jacques Urvoas, chargé avec son vice-président Dominique Raimbourg, de trouver une formulation à même de convenir à tout le monde. La mission semble impossible, puisque les deux hommes doivent tout à la fois trouver la formule qui respecterait la parole présidentielle, tout en ne créant pas d’apatrides et en ne discriminant pas les binationaux. L'équation est déjà fort complexe, et il faut y ajouter un ultime facteur : ne pas braquer la droite, dont les voix seront indispensables à l’adoption de la révision constitutionnelle.
Convaincre la droite. Voilà l’un des principaux intérêts pour François Hollande de recevoir les leaders de droite, dont Nicolas Sarkozy, à l’Elysée : savoir quelle sera leur attitude en fonction de l’évolution de la situation. En clair, la droite est-elle prête à adopter la révision constitutionnelle si la déchéance de nationalité est remplacée, par exemple, par une déchéance de la citoyenneté ? Rien n’est moins sûr. Plusieurs de ses dirigeants ont fait savoir que seule la déchéance de nationalité pouvait les amener à voter la révision constitutionnelle. Et il n’y a pas vraiment de raison que l’opposition fasse ce cadeau à François Hollande.
La gauche de la gauche craint de se faire "embabouiner". Enfin, François Hollande n’a pas grand-chose à espérer de la gauche de la gauche, particulièrement inflexible sur la question. Le chef de file du Front de gauche à l'Assemblée nationale, André Chassaigne, voit dans ces rendez-vous élyséens un "numéro d'équilibriste pour nous embabouiner" (amener quelqu'un par des paroles flatteuses à faire ce que l'on souhaite de lui, ndlr), avec "peut-être une formulation différente". En clair, que ce soit déchéance de nationalité, déchéance de citoyenneté, indignité nationale, pour la gauche de la gauche, ce sera "non".