"Qui touche au code de la nationalité touche au sacré dans une société." Invité d'Europe 1 mardi, l'avocat et président de la Haute autorité éthique du Parti socialiste, Jean-Pierre Mignard, a appelé le gouvernement à réécrire son projet de loi de réforme constitutionnelle contenant la déchéance de nationalité. "Il faut sans doute que ce texte soit re-rédigé, repensé et surtout qu'il n'ait pas à venir dans l'urgence", a t-il estimé.
Les binationaux stigmatisés. Pour ce proche de François Hollande, en effet, l'extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français introduit une forme de stigmatisation. "A partir du moment où, dans le texte, on vise particulièrement les binationaux, qui sont à peu près 3,3 millions en France, on les atteint", a justifié Jean-Pierre Mignard. "On risque de heurter des millions de nos concitoyens." Le président de la Haute autorité éthique du Parti socialiste propose donc de préciser dans le projet de loi que "tout Français" peut être déchu de sa nationalité, "hormis dans les cas où il en résulterait une apatridie".
"Changer la loi suffit". Par ailleurs, l'avocat n'estime pas nécessaire de modifier la Constitution. "A-t-on besoin de mettre ça dans la Constitution ? Rien n'est moins sûr. [Changer] la loi suffit", a t-il noté. Sur ce point cependant, le Conseil d'Etat n'est pas du même avis. Saisi par le gouvernement sur la question de la déchéance de nationalité, il avait estimé, à la mi-décembre, que "le principe de cette mesure devrait être inscrit dans la Constitution". Dans le cas contraire, il risquerait tout simplement d'être inconstitutionnel.
Indignité nationale plutôt que déchéance. Si Jean-Pierre Mignard prône des modifications de forme, il reste sceptique sur le fond. Lui qui avait déjà exprimé son opposition à la déchéance de nationalité dans un tweet, le 25 décembre dernier, s'est de nouveau dit favorable à une peine d'indignité nationale plutôt qu'à l'extension de la déchéance de nationalité. A la Libération, en 1945, "tous les collaborateurs, Philippe Pétain en tête, ont été condamnés pour indignité nationale", a rappelé l'avocat. "On est dans une symbolique identique." Selon lui, la déchéance de nationalité pourrait être mal employée à l'avenir. "Attention. Un texte écrit aujourd'hui par des gens ayant de bonnes intentions peut être utilisé demain par des gens ayant d'autres intentions plus perverses", a t-il averti. Avant Jean-Pierre Mignard, Bruno Le Roux, chef de file des députés PS, avait proposé de se pencher sur l'indignité nationale.
La Haute autorité d'éthique saisie. Alors que des militants du PS ont saisi la Haute autorité éthique du parti mardi matin, Jean-Pierre Mignard doute que leur demande puisse aboutir. La saisine portait en effet sur les propos tenus par Manuel Valls dans une interview au Journal du Dimanche. Le Premier ministre avait reproché à une partie de la gauche, hostile à la déchéance de nationalité, de "s'égarer au nom de grandes valeurs". Une déclaration "en contradiction avec les valeurs telles que définies par les textes du Parti", selon les militants, qui demandent à la Haute autorité éthique d'affirmer que ces propos "ne sont ni prononcés ni mis en oeuvre au nom des socialistes". "C'est la Haute autorité qui décidera", a indiqué Jean-Pierre Mignard. "Mais elle n'a pas compétence a priori pour statuer sur le fonctionnement des pouvoirs publics."
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Déchéance de nationalité et recomposition...par Europe1fr