Tous les présidents de la Ve République, à l'exception de Georges Pompidou, ont eu leur révision constitutionnelle. François Hollande va-t-il, lui aussi, laisser sa marque dans la Constitution ? Il semblerait bien que le président en prenne le chemin.
Le Sénat plus conciliant. En effet, la révision constitutionnelle portant sur l'état d'urgence et la déchéance de nationalité a un temps semblé compromise. Mais il se pourrait bien que François Hollande parvienne, finalement, à faire adopter le texte. Selon nos informations, les sénateurs qui promettaient de réécrire le projet de loi devraient se montrer plus conciliants. Ils renonceraient notamment à réintroduire la notion de binationalité qui fait hurler la gauche, majoritaire à l'Assemblée. Et se contenteraient de quelques retouches, notamment l'ajout de l'interdiction de créer des apatrides.
La déchéance enfin adoptée. Le chef de l'Etat est donc confiant. L'abandon du chiffon rouge de la binationalité promet à son texte un avenir plus dégagé, et ce d'autant plus que les élus de la majorité, excédés par d'interminables débats, sont pressés d'en finir avec la déchéance de nationalité. Le Sénat doit voter sa version retouchée à la mi-mars, et celle-ci pourrait être aussitôt transmise à l'Assemblée pour un vote conforme. Les portes du Congrès seront alors grandes ouvertes.
Le coût politique de la victoire. Reste qu'il s'agirait d'une victoire à la Pyrrhus. La déchéance de nationalité et l'état d'urgence auront coûté à l'exécutif six mois de déchirements et de calculs politiques ainsi que la démission d’une ministre de la Justice. Cette réforme constitutionnelle devait incarner l’unité nationale ; elle l’a fracassée. François Hollande aura donc imprimé sa marque sur la Constitution pour un bénéfice politique très faible. Néanmoins, le président compte doubler la mise.
Réforme du CSM. Le chef de l'Etat souhaite faire passer une deuxième révision constitutionnelle : la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Celle-ci, qui figurait parmi les promesses du candidat Hollande en 2012, vise à renforcer l'indépendance de la justice par rapport au pouvoir exécutif. En effet, les magistrats du parquet sont, aujourd'hui, toujours nommés en conseil des ministres. Même si c'est déjà le cas en pratique, la révision constitutionnelle permettrait d'inscrire dans la Constitution l'obligation, pour le gouvernement, de suivre l'avis du CSM sur ces nominations.
Un Congrès avant l'été. Cette réforme du CSM avait été présentée en conseil des ministres dès mars 2013 par Christiane Taubira, garde des Sceaux à l'époque. Elle avait ensuite été votée par le Sénat, dans une version édulcorée. Mais depuis, elle avait été ajournée, le gouvernement n'étant plus certain d'obtenir la majorité des 3/5e des voix du Parlement réuni en Congrès, condition sine qua non d'une révision constitutionnelle. Une incertitude que Jean-Jacques Urvoas, successeur de Christiane Taubira, a levée. Le nouveau ministre de la Justice a sondé le groupe des députés socialistes et obtenu la garantie que le texte du Sénat serait adopté conforme par l'Assemblée nationale. Le Congrès sera donc convoqué avant l'été, au plus tôt en avril.