Lundi en fin d’après-midi, l’Elysée scrutera avec attention la rue de Solférino. C’est là, au siège du Parti socialiste, qu’une partie du sort de la révision constitutionnelle, annoncée par François Hollande devant le Congrès le 16 novembre, trois jours après les attentats de Paris, va se jouer. Le bureau national du PS doit en effet, après de longues semaines de débat, trancher sur la question et surtout sur son volet le plus épineux, la déchéance de nationalité pour les binationaux convaincus de terrorisme. Un "oui", et la révision constitutionnelle serait sur de bons rails. Un "non" serait en revanche une catastrophe politique pour le président de la République.
Une porte de sortie peu probable. Difficile de dire aujourd’hui quelle sera l’issue de ce bureau national à haut risque. Car depuis plusieurs - longues - semaines, le sujet clive le PS. Il y a ceux, souvent issus de l’aile gauche, qui sont contre. Il y a ceux, les plus proches du pouvoir, qui sont pour. Il y a ceux, enfin, qui cherchent une porte de sortie. Bruno Le Roux, président des députés PS, a ainsi chargé Jean-Jacques Urvoas et Dominique Raimbourg, respectivement président et vice-président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, de trouver la solution à même de réconcilier la majorité socialiste et le couple exécutif. "Déchéance de citoyenneté" ou "indignité nationale" sont autant de solutions alternatives potentielles.
Sauf que remplacer la formule déchéance de nationalité par une formule édulcorée aurait deux conséquences fâcheuses pour l’Elysée. D’une part, la parole présidentielle, décrétée sacro-sainte par François Hollande et Manuel Valls dans cette affaire, serait au mieux galvaudée, au pire niée. En outre, la droite, dont le ralliement est nécessaire pour adopter la réforme constitutionnelle, ne fera pas de cadeaux. Elle ne la votera que si la déchéance de nationalité, et rien d’autre, est comprise dans le texte. C’est donc bel et bien sur la déchéance de nationalité en elle-même que le bureau national du PS devra trancher.
La droite à l’affût. Dès lors, deux hypothèses. Si les caciques du PS se prononcent en sa faveur, la plupart des députés et sénateurs du PS devraient suivre. L’aile dure et les partenaires de gauche des socialistes grinceront des dents, voire crieront au scandale, mais l’essentiel, à savoir l’adoption de la révision constitutionnelle, sera préservé pour le chef de l’Etat.
Mais si d’aventure le bureau politique du PS prenait officiellement position contre la mesure, alors le président de la République et le Premier ministre seraient dans une bien fâcheuse posture. Ils seraient obligés de compter sur le soutien plein et entier de la droite et de leurs soutiens les plus loyaux au sein des parlementaires PS. Cela pourrait suffire pour adopter la réforme constitutionnelle, mais incontestablement, cela ferait tâche.