Avec le départ annoncé jeudi de son numéro 2, Florian Philippot, le Front national (FN) vit une nouvelle crise politique. Pascal Perrineau, politologue spécialiste du FN, était l'invité de l'émission C'est arrivé cette semaine pour analyser la situation du parti sur l'échiquier politique global.
Le départ de la ligne sociale du FN. Alors que Marine Le Pen estime déjà que le départ de son ancien lieutenant relève déjà "du passé", Pascal Perrineau considère que "c'est une mauvaise nouvelle pour le Front national", dont les effets pourraient être nombreux. Selon lui, ce départ pourrait venir casser la "dynamique électorale ressentie depuis 2014 dans toutes les élections européennes, locales, etc., qui est due, pas uniquement à Florian Philippot, mais à cette ligne sociale, souverainiste, qui avait permis au Front national de sortir de son enclave identitaire." Une ligne qu'incarnait Florian Philippot. "Là, on peut avoir l'impression que le FN, devant l'échec, est tenté par la régression." D'après Pascal Perrineau, la question est désormais de savoir si, à l'avenir, "Marine Le Pen va faire du Jean-Marie Le Pen sans Jean-Marie Le Pen".
Selon Pascal Perrineau, la sortie de Florian Philippot pourrait "coûter cher" en termes d'électorat. "Le Front national qui a connu depuis cinq ans une hausse phénoménale n'est pas le Front national qui s'est radicalisé, c'est le Front national du Nord et de l'Est, des terres populaires jadis à gauche." C'est dans l'Aisne et le Pas-de-Calais que Marine Le Pen avait ainsi cumulé plus de 50% des suffrages au second tour de la présidentielle.
Exit la professionnalisation du FN. Mais le départ de numéro 2 du FN pose également, selon Pascal Perrineau, un certain problème de crédibilité. "Florian Philippot et les femmes et hommes qui l'entourent étaient un signe tangible de la professionnalisation du FN. Avec son départ, c'est cette professionnalisation qui en prend un coup. Mais c'est aussi une culture du gouvernement, c'est-à-dire la maîtrise et la préparation des dossiers. Le risque pour le FN, c'est d'en revenir à la fonction tribunitienne, être celui qui dit tout haut ce que les Français en colère pensent tout bas, mais ce n'est pas avec ça qu'on peut accéder au pouvoir", tacle encore le politologue.
"Dans un casse-noix". D'autant que, souligne le spécialiste, le Front national a désormais deux concurrents. D'abord Jean-Luc Mélenchon. "Le leader de La France insoumise l'a compris très vite, le trouble au sein du Front national offre un espace de progression. Jean-Luc Mélenchon a parlé d'attirer les fâchés non facho, et il y a beaucoup de fâchés en France (…) Et se pose la question de qui est capable de les mobiliser. Depuis quelques mois, Jean-Luc Mélenchon est mieux placé que d'autres."
Selon un récent sondage, c'est d'ailleurs le député des Bouches-du-Rhône qui incarne le mieux l'opposition, et non pas Marine Le Pen, pourtant arrivée au second tour de la présidentielle. Et la présidente du FN va trouver un concurrent sur sa ligne identitaire : Laurent Wauquiez "qui va parler un langage pour essayer de récupérer ces électeurs du Front national un peu perturbés". "Le Front national est quelque part dans un casse-noix entre France insoumise et une droite qui se reconstituerait sur une ligne identitaire", conclut Pascal Perrineau.