EDITO - "Confronté à trois fronts dangereux, Macron a un problème de décision"

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Nicolas Beytout

Qu’il s’agisse de la crise à l’hôpital, de la réforme des retraites, ou de la place de l’islam en France, le président de la République peine à trancher. Et cela le met en difficulté, prévient notre éditorialiste Nicolas Beytout.

>>> Grève à l’hôpital, bientôt grève à la SNCF et à la RATP, crise politique et sociale sur l’islam et sur l’immigration… La période est agitée pour le gouvernement et pour Emmanuel Macron. Selon notre éditorialiste Nicolas Beytout, le président de la République doit quitter sa posture attentiste sur ces trois fronts et doit enfin trancher.

La France va connaître une nouvelle alerte sociale cette semaine. Et cette fois, c’est le tour des hôpitaux, avec une grève qui s’annonce très dure. Ce sera jeudi, et de très nombreux métiers de la santé ainsi que les étudiants en médecine ont décidé de rejoindre ce mouvement. Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a bien essayé de présenter en urgence un plan - un nouveau plan - pour l’hôpital, en vain. Il faut dire qu’à chaque fois, le gouvernement promet des améliorations pour demain. Et rien ou pas grand-chose de concret, dans l’immédiat. En tout cas, il faudra observer de très près cette grève, parce qu’elle donnera le "la" de la mobilisation avant décembre.

Le mois de décembre s’annonce en effet tendu, avec les grèves de la SNCF et de la RATP contre la réforme des retraites. Une grève reconductible à partir du 5 décembre à la RATP, et  - c’est la nouveauté de ces derniers jours -, grève SNCF également reconductible pour la CGT. C’est l’escalade, et c’est d’autant plus inquiétant que le gouvernement, lui, faisait tout, depuis quelques temps, pour arrondir les angles. Je pense en particulier à la fameuse "clause du grand-père", qui permettrait de n’appliquer la réforme qu’à ceux qui entreront à l’avenir à la SNCF. Emmanuel Macron, et Edouard Philippe ont tous les deux dit qu’il fallait l’étudier. Patatras, le Haut-commissaire chargé de la réforme, Jean-Paul Delevoye, est contre, et il le dit. C’est un premier gros couac au sein du gouvernement. Il semble en tout cas qu’il se soit fait sèchement recadrer.

"On a le sentiment que la doctrine présidentielle n’est pas stable"

Le problème, c’est qu’il y a eu à peu près au même moment un autre couac, cette fois de la part de Nicole Belloubet. Pas sur le social, mais sur l’immigration, sur l’instauration de quotas d’immigration économique. Le Premier ministre vient de les annoncer, et re-patatras, sa ministre de la Justice explique qu’elle n’y croit pas. Il faut dire qu’Emmanuel Macron a beaucoup changé sur ces sujets, et que l’on ne sait toujours pas avec certitude quelle est sa ligne, ce qui crée beaucoup d’aléas. C’est un peu la même chose sur les questions de laïcité : on a le sentiment que la doctrine présidentielle n’est pas stable. Le Président reconnait par exemple qu’un islam politique essaye de s’installer en France, mais il refuse en même temps de se prononcer sur le port du voile sur la voie publique. Il avait déclaré : "Ce n’est pas mon affaire".

Vous voyez que sur ces trois fronts dangereux, Emmanuel Macron a un problème de décision : sur l’hôpital, il faut du concret, du massif tout de suite, pas pour demain; sur les retraites, il faut sortir de cette période où tout est dans tout et réciproquement, où la multiplication des hypothèses, la concertation interminable, tout ça crée un brouillard très contre-productif. Enfin sur le régalien, sur les questions d’islam, de laïcité et plus généralement d’immigration, une doctrine claire et stable, là non plus, ne serait pas inutile. La France entre dans une période agitée. Et on a envie de dire au Président : tranchez, décidez.