Ségolène Royal a pris les devants. L'ambassadrice des pôles a publié elle-même, mardi, la lettre envoyée par le quai d'Orsay qui envisage de mettre fin à ses fonctions. Un départ qui semble contraint, alors que Ségolène Royal n'a pas mâché ses mots récemment contre le gouvernement. Mais elle surtout très critiquée pour son absentéisme. Cela pourrait également sonner comme le début d'un nouveau chapitre dans la course à la présidentielle, selon notre éditorialiste Michaël Darmon.
"Libérée... déchaînée. Ségolène Royal n'est ni la reine des neiges, ni la reine des pommes. Son vrai titre, qu'elle gardera à vie, est celui d'ancienne finaliste de l'élection présidentielle en 2007. Et personne ne pourra le lui enlever, dit-elle. Son statut est intouchable, sacré.
Ségolène Royal a fait fondre la patience du pouvoir
Intouchable certes... sauf pour l'administration du quai d'Orsay, qui ne badine pas avec le devoir de réserve des ambassadeurs. Un haut responsable s'en amuse même : "On la connaît par cœur, elle va jouer les victimes et crier à la censure pour installer l'idée d'une candidature à l'élection présidentielle. Elle peut faire de la politique si elle veut, mais pas avec le titre d’ambassadeur." Bref, la règle vaut pour tout le monde. Et l'on pourrait paraphraser Jean-Pierre Chevènement en disant qu'un ambassadeur, "ça ferme sa gueule ou ça démissionne".
En l'occurrence, après avoir déjà été prévenue il y a deux ans par courrier, Ségolène Royal a continué de critiquer le gouvernement. Officiellement et bénévolement chargée de traiter un sujet aux implications géopolitiques majeures, l'avenir de la banquise, l'ancienne candidate socialiste a fait fondre la patience du pouvoir.
Camouflet administratif
Résultat : sa mission lui sera sûrement retirée par un prochain décret du conseil des ministres. Notons d'ailleurs cet art subtil du camouflet administratif : le courrier est co-signé par le ministère de la Transition écologique, aujourd'hui dirigé par Elisabeth Borne... qui a été la directrice de cabinet de Ségolène Royal lorsqu'elle dirigeait ce même ministère.
Ségolène Royal va-t-elle se préparer pour 2022 ? D'abord, lorsque sa mission aura officiellement pris fin, il y aura le moment où, frappée par un crime de lèse-finaliste de la présidentielle, l'ancienne candidate fera comprendre que la rupture est consommée. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir voulu entrer en macronie. À chaque remaniement, elle y a cru... mais rien n'est venu.
Le vieux monde a de l'avenir
Ségolène Royal est l'un des derniers fleurons des guerriers politiques qui vibrent dans les batailles plus que dans la gestion. À chaque fois, il faut remonter sur le cheval, disait-elle en reprenant les rênes du ministère de la Transition écologique sous la présidence Hollande. Son personnage théâtral agace ou séduit mais ne laisse jamais indifférent.
Or, c'est justement ce dont a besoin le camp de la gauche toujours décimé et sans incarnation : refaire parler de lui pour rassembler socialistes et écologistes, et tenter de s'opposer à Emmanuel Macron. Et cette analyse est partagée par... François Hollande, lui aussi en embuscade pour 2022. Hollande et Royal, outre leurs enfants et une vie politique, ont en commun une conviction : le vieux monde a de l'avenir. Ségolène Royal reste aimantée par l'élection présidentielle. Et un aimant a deux côtés, appelés pôle nord et pôle sud. L'ex-ambassadrice quitte la banquise mais ne perd pas le nord."