Il voulait un Premier ministre expérimenté, rassembleur, capable d'œuvrer à la tête d'un gouvernement resserré composé de nouveaux visages. Emmanuel Macron a-t-il bien fait de confier les clefs de Matignon à Edouard Philippe ? A priori, ce dernier coche toutes les cases. Pourtant, il y a bien quelques accrocs dans sa personnalité et son parcours.
Dépassement des clivages : +1
Emmanuel Macron en a fait le leitmotiv de sa campagne : il faut dépasser les vieux clivages politiques droite/gauche. Quoi de mieux, pour le prouver, quand on a soi-même participé à un gouvernement socialiste, que de nommer un Premier ministre venu du camp d'en face ? En cela, Edouard Philippe correspond parfaitement au profil recherché par Emmanuel Macron.
D'autant que son parcours personnel est, lui aussi, l'illustration du dépassement des clivages. Edouard Philippe a en effet commencé sa carrière au sein de la gauche rocardienne, avant de glisser vers le centre, puis de participer, en 2002, à la création de l'UMP.
Égalité homme-femme : -1
Emmanuel Macron l'avait dit : "le Premier ministre sera choisi sur des critères d'expérience et de compétences. J'aimerais que ce soit une femme." De toute évidence, Edouard Philippe n'en est pas une et le chef de l'État, qui n'a pour l'instant nommé que des hommes à l'Élysée, continue sur une lancée très masculine.
Le Premier ministre sera choisi sur des critères d’expérience et de compétences. J’aimerais que ce soit une femme. #LaMajoritéEnMarche
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 28 mars 2017
Par ailleurs, dans le cadre de ses activités parlementaires, Edouard Philippe ne s'est pas franchement illustré par son volontarisme en matière de droit des femmes. Il s'est ainsi abstenu en première lecture sur le projet de loi pour l'égalité homme-femme.
Expérience parlementaire : +1
Benjamin Griveaux, porte-parole d'En Marche! désormais candidat aux législatives, l'avait confirmé lundi matin sur Europe 1 : le profil de chef de gouvernement est celui de quelqu'un ayant une "expérience parlementaire". Et Edouard Philippe y correspond. Le maire du Havre a été élu député en 2012 dans la septième circonscription de Seine-Maritime. S'il a donc l'expérience, le natif de Rouen ne cire pas non plus les bancs de l'Assemblée nationale depuis 30 ans, ce qui est reste un avantage quand on veut œuvrer pour un président qui s'est fait le chantre du renouvellement politique.
Moralisation de la vie politique : -1
L'une des priorités d'Emmanuel Macron est la moralisation de la vie politique, sujet qu'il veut placer au cœur d'un projet de loi à venir avant les législatives. Mais son nouveau chef de gouvernement ne s'est pas particulièrement imposé comme un bon élève en la matière. Mediapart a ainsi révélé vendredi qu'Edouard Philippe avait déjà écopé d'un blâme de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en 2014.
Prié de donner la valeur de ses biens immobiliers sur sa déclaration de patrimoine, il avait en effet "éludé", selon le site d'investigation. "Il s'est refusé à toute estimation actualisée de ses propriétés", à savoir un appartement à Paris, un bien en Indre-et-Loire et des parts dans une résidence en Seine-Maritime. Par ailleurs, il n'avait pas indiqué certaines de ses rémunérations, faisant preuve, selon ses propres mots, d'"une forme de mauvaise humeur".
Enfin, précise Mediapart, Edouard Philippe s'est opposé aux lois sur la transparence édictées après l'affaire Cahuzac, comme la quasi-totalité du groupe UMP à l'Assemblée.
Capacité à ramener la droite : +1
Ce n'était pas clairement formulé, mais Emmanuel Macron cherchait à nommer un chef de gouvernement capable de lui ramener une partie des élus de droite avant les législatives. Toute la matinée, des élus LR se sont relayés devant les médias pour assurer que l'arrivée d'Edouard Philippe à Matignon (qui n'était à cette heure-là que pressentie) ne les affecterait pas. Peine perdue. Quelques heures après l'annonce tant attendue, une vingtaine d'élus LR ont publié un communiqué demandant à leur famille politique "d'être à la hauteur" et de "répondre à la main tendue" par Emmanuel Macron.
Une 20aine d'élus juppeistes et lemairistes interpellent leur parti LR pour "être à hauteur" des enjeux. #scissionpic.twitter.com/sjhDy9V7PU
— Olivier Beaumont (@olivierbeaumont) 15 mai 2017
Parmi les signataires, plusieurs voix qui comptent chez LR, comme celles de Gérald Darmanin, maire de Tourcoing, Thierry Solère, député de Boulogne-Billancourt, Christian Estrosi, maire de Nice, ou encore Dominique Bussereau, président du conseil départemental des Charentes Maritimes. Elle a beau faire comme si elle se tenait encore droite dans ses bottes (Bernard Accoyer a encore précisé, après la publication du communiqué, que ceux qui étaient tentés par l'aventure gouvernementale étaient "minoritaires" chez LR), la droite n'en est pas moins menacée d'éclatement. Ce qui était exactement l'objectif d'Emmanuel Macron.