Pour un président de la République, c’est un rendez-vous d’importance, et il était hors de question pour Emmanuel Macron de le rater. Le chef de l’Etat se rend mercredi à Bonn pour la COP23, la grande conférence de l’ONU sur le climat. Le président français prendra la parole au côté de la chancelière allemande Angela Merkel. Nul doute qu’il livrera à nouveau un vibrant plaidoyer pour lutter contre le danger que représente le réchauffement climatique pour la planète. Nul doute, aussi, que ses opposants, d’abord, mais aussi des soutiens attentifs à la question, le renverront à plusieurs décisions controversées prises récemment pas son gouvernement sur l’écologie. Car la position d’Emmanuel Macron en la matière est pour le moins ambigüe.
Des discours forts…
"Emmanuel Macron n’est pas écologiste, mais il n’a jamais revendiqué l’être. On ne peut pas lui faire ce grief", admet Corinne Lepage, jointe par Europe1.fr. Pourtant, l’ex-ministre de l’Environnement de Jacques Chirac, entre 1995 et 1997, avait bel et bien soutenu le futur président de la République pendant la campagne présidentielle. Car Emmanuel Macron avait alors tous les attributs du converti. Et depuis sa prise de fonction d’ailleurs, il a multiplié les discours écologistes volontaristes, en plus d’avoir nommé Nicolas Hulot ministre d’Etat à la Transition écologique. Personne n’a ainsi oublié son "Make our planet great again", lancé le 1er juin à la figure de Donald Trump, après que le président américain avait annoncé son intention de sortir de l’accord de Paris signé lors de la COP21.
"Quand il parlait d’économie, il parlait d’écologie". Il a pourtant été reproché au président de la République de ne pas avoir parlé une seule fois d’écologie lors de sa grande interview sur TF1 le 15 octobre dernier. "La transformation du modèle (écologique) français, c’est aussi une transformation du modèle économique français", répond mercredi Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat auprès du ministre d’de la Transition écologique et solidaire, mercredi sur France Info. "Le président de la République, quand il parlait d’économie, il parlait d’écologie."
"Les discours, c'est très bien, mais..." A chacun de ses grands discours, le 20 septembre à New York au siège de l’ONU ou une semaine plus tard à la Sorbonne, Emmanuel Macron a bel et bien consacré une large part de ses prises de parole à l’écologie. "Nous avons pour nous la force des pionniers, l’endurance, la certitude et l’énergie de ceux qui veulent construire un monde meilleur", lançait-il depuis les Etats-Unis, sous les applaudissements. "L’Union européenne doit être à l'avant-garde de la transition écologique", abondait-il une semaine plus tard au sein de l’université parisienne. Volontariste donc, indéniablement. "Les discours, c’est très bien, mais il y a les actes, aussi", rappelle Corinne Lepage.
…Mais des décisions controversées
Et la présidente de Cap 21 l’avoue sans ambages. "Le bilan est plutôt décevant. Nous qui nous présentons comme les champions de la lutte contre le réchauffement climatique, nous sommes très loin des objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de l’accord de Paris", peste l’ex-ministre de l’Environnement. Et plusieurs décisions l’ont fait tiquer.
"Le recul sur le nucléaire, c'est catastrophique". En premier lieu, la décision de reporter la date pour atteindre la part de 50% du nucléaire dans la production énergétique française. "C’est catastrophique", s’alarme Corinne Lepage. "Je peux en témoigner, pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron, face à certains qui disaient qu’il fallait reculer l’échéance à 2030, 2035, avait clairement tranché en disant : non, ce sera 2025. Je pensais qu’il serait plus fidèle à ses engagements", assure-t-elle. "La loi était certes ambitieuse, mais derrière elle n’était pas sincère dans son objectif", estime de son côté Sébastien Lecornu. "Je ne participerai pas à un gouvernement dans lequel on mentirait aux Français. Nicolas Hulot est pareil et Emmanuel Macron est pareil", a insisté le secrétaire d’Etat.
Par ailleurs, la France a présenté comme une victoire d’avoir tenu bon sur le délai maximum d’autorisation du glyphosate. "On dit ‘on a tenu bon’ sur les trois ans, c’est vrai. . Mais si c’est un produit dangereux, on l’interdit, et on laisse un temps aux agriculteurs pour s’adapter", s’agace encore Corinne Lepage.
"Dans sa liste de priorité, clairement, l’écologie n’est pas en bonne place". La présidente de Cap 21 l’assure pourtant : "Je souhaite toujours qu’il réussisse, pour le bien de la France. Mais il y a des choses à changer. Et quand des mauvais choix sont faits, il faut pouvoir le dire", précise-t-elle. "Dans sa liste de priorité, clairement, l’écologie n’est pas en bonne place", déplore-t-elle enfin. "Je ne partage pas cette opinion. A chaque fois que je le vois, il m’en parle. Je n’ai pas de doute sur son engagement sur le sujet", rétorque Sébastien Lecornu. "Je vous parle en témoin de ce que je vis auprès du chef de l’Etat et je ne peux pas laisser dire qu’il se désintéresse de ces questions-là."
C’est tout de même avec un certain fatalisme que Corinne Lepage attend la COP23. "A Bonn, Emmanuel Macron va certainement faire un beau discours. Mais la France ne jouera pas un rôle-clé pendant la Cop23", prédit-elle.