"La politique, ça rend dingue, je vais aller à la sortie de son rendez-vous avec Hollande pour lui en coller une, à Macron". La phrase sort de la bouche d'un conseiller du président de la République, peu après que la démission du ministre de l'Economie a fuité, mardi. C'est indéniable : le départ de l'ancien banquier, protégé du chef de l'Etat, est une très mauvaise nouvelle pour le clan Hollande.
Un "chouchou" difficile à contrôler. Si les liens de confiance entre les deux hommes s'étaient distendus ces derniers mois, Emmanuel Macron a bien été l'un des "chouchous" du président de la République pendant plusieurs années. Les deux hommes ont été présentés par Jacques Attali en 2010, lorsque François Hollande était candidat à l'élection présidentielle. Le jeune banquier chez Rotschild séduit alors le ténor socialiste par son expertise économique et devient rapidement l'un de ses plus proches conseillers pendant la campagne. En 2011, alors qu'il se trouve dans une voiture balais du Tour de France, c'est Emmanuel Macron que François Hollande appelle pour revoir son interview au JDD, dans laquelle il annonce qu'il inscrit la maîtrise des déficits publics dans son programme.
Après la victoire du candidat socialiste, Emmanuel Macron est logiquement récompensé. A 35 ans, l'ancien banquier est nommé à l'un des postes les plus puissants à la tête de l'Etat : celui de Secrétaire général adjoint de l'Elysée. Ce n'est que deux ans plus tard que le grand public retient son nom : en 2014, Emmanuel Macron remplace Arnaud Montebourg au ministère de l'Economie. Mais très vite, le "chouchou" fait des vagues, conservant une grande liberté d'expression qui agace les ministres, au premier rang desquels figure Manuel Valls. Ce dernier reproche régulièrement à François Hollande de ne jamais rappeler son protégé à l'ordre.
César et Brutus. Ambitieux et encouragé par une forte popularité sondagière, le dit-protégé a fini par devenir embarrassant pour le chef de l'Etat. Dès l'Automne 2015, Emmanuel Macron parle à François Hollande de son envie de créer un mouvement. Quelques mois plus tard, il passe à l'action avec "En marche !" et la rupture est consommée : de la confiance, on passe à la méfiance, puis à la défiance. L'ancien banquier ne s'en cache pas et critique publiquement le bilan du quinquennat : "on n'a pas été assez vite, ni assez fort". Même son ancien camarade de promotion Gaspard Gantzer, conseiller du chef de l'Etat, le reconnaissait récemment : Emmanuel Macron était devenu imprévisible, incontrôlable.
Emmanuel Macron quitte donc officiellement le gouvernement et François Hollande, son père en politique comme Brutus poignarda César. Le Président a tout tenté pour garder le ministre dans son giron, en vain. Entre Arnaud Montebourg à sa gauche et Emmanuel Macron à sa droite, le chef de l'Etat se trouve désormais contesté de toutes parts. D'autant que l'ancien ministre de l'Economie a plusieurs fois exprimé ses doutes sur la primaire et irait donc à l'élection présidentielle sans étape préalable. Pour éviter un fiasco à moins d'un an de la présidentielle, Manuel Valls et François Hollande ont donc déjà élaboré leur stratégie : tenter d'insister sur le côté diviseur et individualiste d'Emmanuel Macron, qui entend bouleverser la France après avoir soutenu l'action du gouvernement depuis 2012.