Ce fut autant sur le fond que sur la forme. Emmanuel Macron s'est exprimé lundi soir, à 20 heures, depuis l'Élysée, pour tenter de mettre un terme à la crise des "gilets jaunes". Le fond, ce sont les mesures en faveur du pouvoir d'achat que le président a annoncées, comme le coup de pouce de 100 euros accordé aux salariés payés au Smic. La forme a consisté à veiller à gommer cette image de président méprisant, éloigné des préoccupations des Français moyens, qui lui colle à la peau. Emmanuel Macron a fait son mea culpa, reconnaissant qu'il avait "pu [lui] arriver de donner le sentiment que [le malaise des travailleurs] n'était pas [s]on souci".
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Les informations à retenir
- Emmanuel Macron s'est exprimé à 20 heures depuis l'Élysée sur la crise des "gilets jaunes"
- Il a annoncé une augmentation du Smic de 100 euros mensuels dès 2019, une annulation partielle de la hausse de CSG pour les retraités et encouragé les entreprises à verser une prime de fin d'année
- Le président a également fait son mea culpa sur son silence et son attitude, qui a pu "donner le sentiment que [la crise] n'était pas (son) souci"
Smic, CSG, heures supplémentaires et vote blanc : des mesures sociales et une réflexion démocratique
Emmanuel Macron annonce que "le salaire d'un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019". Soit 64 euros en plus par rapport aux 36 euros qui correspondent à l'augmentation automatique du salaire minimum.
Le président, qui a décrété "l'état d'urgence économique et social", précise aussi qu'il annulera l'an prochain la hausse de la CSG pour les retraités sous le seuil de 2.000 euros de revenu par mois. Auparavant, le seuil fixé était à 1.700 euros. En outre, les heures supplémentaires seront désocialisées et défiscalisées. Enfin, le chef de l'État a demandé aux entreprises "qui le peuvent" de verser une prime de fin d'année qui "n'aura à acquitter ni impôts ni charges".
Des réflexions à venir sur la démocratie. Outre les annonces sociales, Emmanuel Macron a esquissé une réflexion à venir sur la démocratie. Objectif : mieux associer les citoyens à la décision politique, notamment en prenant en compte le vote blanc. Par ailleurs, le chef de l'État promet qu'il rencontrera les maires région par région.
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Mea culpa : "il a pu m'arriver de donner le sentiment que j'avais d'autres priorités"
"Nous voilà ensemble au rendez-vous de notre pays et de notre avenir", a commencé Emmanuel Macron. "Les événements ont profondément troublé la nation. Ils ont mêlé des revendications légitimes et un enchaînement de violences. Ces violences ne bénéficieront d'aucune indulgence. Mais au début de tout cela, je n'oublie pas qu'il y a une colère, une indignation. C'est celle des plus fragiles. Leur détresse ne date pas d'hier mais nous avions fini lâchement par nous y habituer."
Le président reconnaît un "malaise des travailleurs qui ne s'y retrouvent pas, des territoires", mais aussi un "malaise démocratique". "Sans doute n'avons-nous pas su depuis un an et demi y apporter suffisamment de réponses", reconnaît-il. "Il a pu m'arriver de donner le sentiment que ce n'était pas mon souci, que j'avais d'autres priorités. Je veux ce soir (lundi soir) être très clair avec vous. Si je me suis battu pour bousculer le système politique en place, c'est précisément parce que je crois plus que tout dans notre pays et que je l'aime. Ma légitimité, je ne la tire que de vous, de nul autre."
Les "gilets jaunes" vont-ils raccrocher ?
Pour Catherine Nay, éditorialiste politique sur Europe 1, Emmanuel Macron "répond largement à ce que les 'gilets jaunes' demandent" avec ses propositions. "C'est un choc. Je ne sais pas si cela va apaiser toutes les tensions mais on attendait des réponses fortes et on peut dire qu'il apporte des réponses fortes."
Michaël Darmon, autre éditorialiste politique de notre antenne, souligne le fait que le chef de l'État a "mis sur le tapis son quinquennat". "Il savait qu'il jouait son destin politique", analyse-t-il. "Il veut réinstaurer tout ce qu'il annonce dans la logique de son projet, tout en rétablissant sa légitimité. Car [Emmanuel Macorn] sait qu'il est la cible, que beaucoup de 'gilets jaunes' demandent son départ. Il rappelle donc cette mécanique-là. On est sur un discours extrêmement pensé, pesé."
Du côté des "gilets jaunes" en revanche, tout le monde n'est pas convaincu. "Il faut aller plus en profondeur", exige Fabienne, une "gilet jaune" de Brignoles, dans le Var, interrogée sur Europe 1. "Pour ma part, demain (mardi), je retourne dans la rue. Il y a un pas en avant, mais qui n'est du tout suffisant. Le gilet jaune n'est pas prêt d'être raccroché." Éric, dirigeant de société en Lorraine, s'inquiète quant à lui des exigences vis-à-vis des entreprises. "C'est bien les cadeaux, mais bon les cadeaux, ça coûte cher. Si je ne gagne rien, j'ai un couperet au-dessus de la tête qui s'appelle le dépôt de bilan."