Le camp présidentiel tente mercredi de dégager une alternative à la gauche pour gouverner la France en se tournant vers une droite hésitante, tandis que les troupes du Rassemblement national ont entamé leur "examen de conscience" à l'Assemblée après leur déconvenue électorale, promettant une revanche future. Arrivé en tête des législatives avec 190 à 195 élus, le Nouveau Front populaire doit-il former un gouvernement, ce qu'il appelle de ses vœux ? Une large partie de la macronie s'y refuse et sort la calculatrice au Palais Bourbon.
Mercredi en fin d'après-midi, le président Emmanuel Macron a adressé une lettre aux Français dans la presse quotidienne régionale "pour tirer les conclusions de la dissolution". >> Découvrez-là en intégralité ici.
Les principales informations :
- Emmanuel Macron adresse mercredi une lettre aux Français dans la presse régionale
- Marine Le Pen réélue à la tête du groupe RN à l'Assemblée
- Sacha Houlié affirme qu'il ne "siégera pas" dans le groupe Renaissance
- Laurent Wauquiez élu président du groupe LR, qui devient la "droite républicaine"
- Boris Vallaud réélu à la tête du groupe PS
Macron demande aux "forces politiques" républicaines de "bâtir une majorité solide"
Emmanuel Macron a demandé mercredi aux "forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines" de "bâtir une majorité solide", ajoutant qu'il nommera un nouveau Premier ministre lorsque les partis auront construit des "compromis", ce qui suppose de leur laisser "un peu de temps".
Le chef de l'Etat, en déplacement à Washington pour un sommet de l'Otan, appelle à un rassemblement autour de "quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d'un projet pragmatique et lisible", dans une lettre aux Français publiée dans la presse régionale. "Les Français ont choisi par les urnes le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes", ajoute-t-il.
Emmanuel Macron ne précise pas quelles forces seront amenées à construire cette majorité, mais les conditions qu'il met excluent la participation du Rassemblement national et une partie au moins de la France insoumise.
Macron "décidera de la nomination du Premier ministre" lorsque les partis auront "bâti" des "compromis"
Emmanuel Macron a assuré mercredi qu'il "décidera de la nomination du Premier ministre" lorsque les forces politiques auront "bâti" des "compromis", ce qui suppose de leur laisser "un peu de temps".
"D'ici là, le gouvernement actuel continuera d'exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine", a expliqué le président de la République dans une lettre aux Français publiée dans la presse régionale. Il y affirme également que "personne ne l'a emporté" aux élections législatives anticipées de dimanche.
Laurent Wauquiez élu président du groupe LR, qui devient la "droite républicaine"
Le député de Haute-Loire Laurent Wauquiez a été élu mercredi président du groupe LR à l'Assemblée, rebaptisé "droite républicaine", ont annoncé les parlementaires de son camp. Ancien ministre, président LR d'Auvergne-Rhône-Alpes et possible candidat de la droite à l'Elysée en 2027, Laurent Wauquiez fait son retour à l'Assemblée nationale, à 49 ans. Il a été élu président de son groupe avec 37 voix pour et six abstentions.
Boris Vallaud réélu à la tête du groupe PS
Le député des Landes Boris Vallaud a été réélu président du groupe socialiste à l'unanimité mercredi, a annoncé le PS à l'Assemblée nationale. Après les législatives du 7 juillet, le groupe PS revendique un effectif "plus que doublé" avec "au moins" 69 élus, contre 31 auparavant.
Agé de 48 ans, Boris Vallaud était déjà à la tête des députés socialistes depuis 2022. Enarque, de la même promotion qu'Emmanuel Macron, il est spécialiste des questions de financement de la Sécurité sociale, sur lesquelles il intervient régulièrement à l'Assemblée nationale depuis son arrivée en 2017.
Le macroniste Sacha Houlié affirme qu'il ne "siégera pas" dans le groupe Renaissance
Sacha Houlié, député de l'aile gauche du camp présidentiel, ne "siègera pas" au groupe Renaissance, a-t-il affirmé mercredi, en expliquant "travailler" à la constitution d'un autre groupe allant de "la droite sociale à la gauche socialiste".
"De toute évidence, nous essayons de créer un groupe qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste pour que la France soit gouvernable. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Le groupe Renaissance, je n'y siégerai pas", a assuré à l'AFP l'ancien président de la commission des Lois, figure historique de la macronie, alors que le camp présidentiel est en pleine turbulence après les législatives.
"On pourrait numériquement dépasser le bloc de gauche", affirme Aurore Bergé
"On est un peu plus de 160 aujourd'hui (...) et j'entends des députés LR, divers droite, UDI (centre-droit, ndlr), même divers gauche, qui seraient prêts à nous rejoindre, ce qui veut dire qu'on pourrait numériquement dépasser le bloc de gauche", a affirmé Aurore Bergé sur France 2.
Comme la ministre de l'Egalité femmes-hommes, réélue députée dimanche, les responsables macronistes multiplient les efforts pour élargir le bloc central. Le chef sortant des députés Renaissance Sylvain Maillard a d'ailleurs convoqué une "réunion de groupe" mercredi pour "regarder quels sont les députés susceptibles" de les rallier.
Matignon pour la droite ?
Comme depuis 2022, le camp présidentiel regarde essentiellement vers la droite pour trouver des alliés. "Il peut y avoir un Premier ministre de droite, ça ne me gênerait en rien", a ainsi déclaré le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur CNews et Europe 1.
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Une option approuvée par de nombreux députés qui veulent éviter "à tout prix" un gouvernement comprenant des membres La France insoumise (LFI), qu'il promettent de censurer s'il arrivait au pouvoir. Mardi soir, l'ancien Premier ministre Edouard Philippe avait déjà appelé à la signature d'un "accord technique" avec Les Républicains, en vue "d'avancer et de gérer les affaires du pays pendant au moins un an".
Après avoir été inflexibles sur l'hypothèse d'une coalition, certains responsables de la droite semblent peu à peu s'ouvrir à l'idée, à l'image du président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand et de l'ancien chef des députés LR Olivier Marleix.
Ces derniers ont plaidé pour la nomination d'un Premier ministre issu de leur camp qui prendrait la tête d'un "gouvernement de rassemblement". Mais Laurent Wauquiez, un autre ténor qui fait son retour dans le paysage national et paraît bien parti pour être élu président du nouveau groupe parlementaire LR, défend lui une ligne "sans compromission", ce qui pourrait compliquer la donne. Surtout, avec au maximum une soixantaine de députés LR ou divers droite, ces futurs alliés potentiels sont loin d'assurer une majorité absolue aux macronistes.
C'est pourquoi le patron du MoDem François Bayrou prône lui une autre ligne, qui serait fixée avant tout par Emmanuel Macron dans la désignation d'un Premier ministre consensuel. "Ce n'est pas les partis qui feront la majorité, c'est le président qui décide quelle est la personnalité qui peut rassembler le plus largement en tenant compte des nuances de l'Assemblée nationale", a-t-il expliqué sur BFMTV.
"Partie remise" pour le RN
Devant ces tractations, la gauche a dénoncé les "manigances" du camp présidentiel. Le coordinateur de LFI Manuel Bompard a accusé Emmanuel Macron de "multiplier les manœuvres" pour "détourner le résultat" des élections législatives. Mais le NFP bataille aussi en interne entre ses deux principales composantes, des Insoumis à peu près stable entre 70 et 80 élus, et un Parti socialiste (PS) revigoré et qui espère faire au moins jeu égal pour proposer un Premier ministre issu de ses rangs, comme son premier secrétaire Olivier Faure.
Jean-Luc Mélenchon évoque lui avec insistance le nom de la jeune députée du Val-de-Marne, Clémence Guetté, 33 ans, coordinatrice de son programme présidentiel en 2022. En parallèle, les socialistes devraient reconduire à la tête de leur groupe le député des Landes Boris Vallaud.
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Face à ce désordre, Marine Le Pen a fustigé le "bourbier" consécutif aux législatives anticipées, à son entrée au palais Bourbon. Dans une ambiance tendue au milieu des caméras, les nouveaux députés RN - qui seront environ 143 avec leurs alliés - ont ainsi pris leurs marques à l'Assemblée dans la matinée. "Un certain nombre de manœuvres, notamment de désistements massifs, nous ont privés de la majorité absolue. Ce n'est que partie remise", s'est justifiée Marine Le Pen, réélue présidente du groupe RN à l'Assemblée.
Jordan Bardella a ensuite réuni les députés du groupe, leur demandant d'être "parfaitement irréprochables" durant leur mandat, en écho aux multiples dérapages de candidats RN qui avaient pollué la campagne. "Votre responsabilité sera (...) d'accentuer la crédibilité de notre projet", a-t-il lancé, promettant d'effectuer "examen de conscience" au parti, victime d'un front républicain particulièrement robuste qui l'a placé à la troisième place au deuxième tour.
Toujours silencieux face à la situation politique, Emmanuel Macron s'envole lui pour Washington, où il doit participer pendant deux jours à un sommet de l'Otan. La situation se sera-t-elle décantée à son retour ?