Essor massif de l'éolien en mer, aide à la pêche, "décarbonation" des ports... Emmanuel Macron a balayé large mardi, lors des "assises de l'économie de la mer" à Nantes, liant transition énergétique et "souveraineté maritime française".
"La mer est au cœur de cette problématique de la souveraineté (...) C'est la souveraineté énergétique, alimentaire et d'infrastructure", a-t-il plaidé, après avoir déjà vanté lundi la mer comme un lieu "de puissance" lors de l'inauguration du Musée rénové de la marine à Paris. En deux jours, le chef de l'État a ainsi redessiné sa vision de la "souveraineté maritime française" dans un pays qui conserve, avec ses territoires ultramarins, le deuxième espace maritime au monde derrière les États-Unis.
>> LIRE AUSSI - La France veut donner un «élan politique» au projet de taxe carbone sur le transport maritime
Faire de l'éolien
Lors de ces assises réunissant pêcheurs, constructeurs navals, armateurs, élus locaux et associations, Emmanuel Macron a confirmé sa volonté de faire de l'éolien en mer la première source d'énergies renouvelables en France d'ici à 2050. "En 2025, on va déjà lancer dix gigawatts, c'est-à-dire une dizaine de parcs qui entreront en vigueur en 2030-2035", a-t-il annoncé.
Une production de 10 GW est équivalente à la consommation annuelle électrique de 10 millions de foyers. La France, qui compte aujourd'hui à peine 8 GW de parcs offshore installés ou en projet, a pour objectif d'atteindre 45 GW en 2050. Cet appel d'offres de 10 GW sera lancé à l'issue d'un débat public - ouvert jusqu'au 26 avril - destiné à identifier les sites sur lesquels seront installés une cinquantaine de parcs. L'objectif est d'établir des zones précises d'implantation aussi bien en Méditerranée qu'en Atlantique, Manche et mer du Nord.
Emmanuel Macron a défendu mardi avec force son "cap", qui a "toujours été le même" et qu'il promet de tenir "jusqu'au dernier centimètre", malgré les "orages" et face au "défaitisme", filant la métaphore maritime aux assises de l'économie de la mer. "Quand on écoute l'actualité, on devrait se demander s'il faut désespérer", a lancé le chef de l'Etat, reprenant la parole au terme d'un long échange sur les éoliennes en mer ou encore les aides aux pêcheurs à Nantes, déplorant que "les gens" se demandent "tous les matins 'est-ce qu'il a un cap?".
"Je vais vous le dire, il se trouve que je suis là où je suis, à la barre, depuis un peu plus de six ans et demi", a-t-il répondu, visiblement piqué au vif par la petite musique qui refait surface, jusque dans son propre camp, sur un manque de perspectives pour la suite du quinquennat. "Le cap a toujours été le même : de regarder notre avenir sans défaitisme, d'avoir avec un optimisme lucide une idée claire des défauts et des faiblesses de la France et de chercher ensemble à les corriger, mais surtout de regarder notre avenir en face et de se dire qu'il n'y a aucune fatalité."
Face aux polémiques récurrentes sur l'éolien, Emmanuel Macron mise sur ce débat national : "On met toutes les cartes sur la table, on s'engueule une bonne fois pour toutes, de manière franche, et on évite de le faire au bout de cinq ans ou dix ans de projets". Il a aussi évoqué "près de 200 millions d'euros" d'investissements pour que la France "soit un des leaders dans l'éolien flottant" et évite d'importer des éoliennes de Chine.
L'éolien en mer va générer des "milliers d'emplois" et rapporter 2,5 milliards d'euros de recettes fiscales "entre 2023 et 2035", a-t-il assuré. Sur cette somme, environ 700 millions ira pour la pêche afin de moderniser une flotte vieillissante et polluante, qui a perdu plus d'un quart de ses navires en 20 ans, a-t-il annoncé. Emmanuel Macron souhaite également "moderniser les criées", car aujourd'hui "ça coûte moins cher de débarquer en Écosse ou en Irlande et d'acheminer les captures par camions en France".
Transformation de la pêche française
Rappelant le lancement d'ici à l'été prochain d'un "vrai contrat de transformation de la pêche française", il a évoqué plusieurs chantiers, dont la question de l'alimentation - 80% du poisson consommé est importé - ou du prix du poisson pas assez rémunérateur pour attirer les jeunes dans la filière. À court terme, les pêcheurs français bénéficieront de la prolongation européenne jusqu'au 30 juin 2024 de l'aide de 20 centimes par litre de carburant, liée à la flambée des prix de l'énergie dans le contexte de la guerre en Ukraine
Cette mesure, qui expirait le 31 décembre, s'appliquera jusqu'à un plafond de 335.000 euros par entreprise. "Ces 20 centimes seront cumulés avec les aides qu'on a obtenus auprès de plusieurs grands groupes, Total et autres, ce qui fait qu'on aura une aide exceptionnelle que nos pêcheurs n'auront jamais eue", a assuré le président. Le gazole grève jusqu'à 40% du chiffre d'affaires des patrons de pêche.
Par ailleurs, la France consacrera quelque 800 millions d'euros du programme d'investissements France 2030 à des projets de "décarbonation" de ports ou d'infrastructures portuaires. Emmanuel Macron interviendra aussi sur la protection de la mer lors de la COP28 vendredi et samedi à Dubaï, dans la perspective de la grande conférence des Nations unies sur l'océan prévue en 2025 à Nice. Celle-ci sera précédée d'une "année de la mer" riche en initiatives partout en France (Journées du patrimoine, Loto de la biodiversité, etc), a-t-il promis.