À quelques heures du coup d’envoi de l’Euro 2016, on croise des fans du ballon rond jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. Dans les ministères de la République, on se bouscule pour pouvoir assister aux matches, à tel point que François Hollande a dû taper du poing sur la table : "Votre place n'est pas au stade, mais dans vos ministères, au travail", aurait lancé le président à ses ministres, selon une information de RTL.
Tribune présidentielle. En effet, depuis plusieurs semaines, les membres du gouvernement feraient le siège de Patrice Kanner, le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, qui dispose d’une dizaine de billets en tribune présidentielle pour chaque rencontre et d’une cinquantaine pour le match d’ouverture France-Roumanie. Jean-Yves Le Drian et Emmanuel Macron seraient parmi les plus insistants, indique RTL. Mais pour le chef de l’Etat et le Premier ministre, il n’est pas question, en pleine gronde sociale contre la loi Travail et quelques jours seulement après les inondations qui ont frappé le Centre et l’Ile-de-France, de donner l’impression de prendre du bon temps.
5 matches pour François Hollande. Pourtant le président de la République, que l’on sait grand fan de football, à lui-même prévu d’assister à au moins cinq matches. Il sera présent vendredi pour l’ouverture, avec à ses côtés Manuel Valls, Najat Vallaud-Belkacem, Emmanuelle Cosse et le Premier ministre roumain. Mais il devrait également assister aux rencontres France-Albanie (15 juin), Allemagne-Pologne (16 juin), Portugal-Autriche (18 juin) et France-Suisse (19 juin) aux côtés d’autres chefs d’Etat, détaille Le Point. Il y a fort à parier qu’il sera aussi présent pour la finale, prévu le 10 juillet, quel que soit le sort des Bleus. RTL précise également que Marisol Touraine, ministre de la Santé, devrait assister à France-Suisse et Pays de Galles-Russie.
Profiter de l’hypermédiatisation. Mais par-delà l’intérêt que les responsables politiques peuvent avoir pour le football, un événement tel que l’Euro 2016 est aussi porteur d’une symbolique forte dont chacun voudrait profiter. "Il est important pour un politique de se faire voir dans ces moments de liesse où l’image populaire est au premier plan", explique à Europe 1 Olivier Ihl, directeur honoraire de l’IEP de Grenoble et spécialiste de la mise en scène du pouvoir. "Pour des professions qui vivent essentiellement de leur image publique, un événement hypermédiatisé, c’est le rêve !"
Reconnaissance. Surtout, explique ce spécialiste, les rencontres sportives sont l’occasion d’accéder à un public plutôt abstentionniste et qui ne regarde pas les émissions politiques. "Ça encourage une forme de reconnaissance, relève Olivier Ihl. Alors que 75% à 80 % des Français ne s’intéressent pas, hors campagne, à la politique, soudain, alors qu’on est entre amis, au café ou dans son salon, on voit surgir un visage familier, et on essaye de mettre un nom dessus. L’essentiel ça n’est pas de savoir quelles sont ses idées, mais d’être capable de l’identifier."
Une forme de reconnaissance médiatique donc, et dont l’opposition aussi entend profiter. Les anciens ministres se tourneraient vers l’UEFA pour obtenir des billets, et Luc Châtel aurait même contacté les sponsors, indique RTL. La station de la rue Bayard soulignait mercredi que le président n’avait pas souhaité inviter Nicolas Sarkozy, mais depuis le chef de l'Etat semble s'être ravisé. Jeudi, Le Figaro révélait que le patron des Républicains avait finalement été convié par l’Elysée à tous les matches que doivent disputer les Bleus.
Un effet limité. Pour autant, ça n’est pas grâce à l’équipe de France, victorieuse ou non, qu’ils pourront, à droite comme à gauche, glaner quelques points de popularité où quelques voix supplémentaires, avertit Olivier Ihl. "Il ne faut pas trop insister sur la politisation des matches. Au niveau de la popularité l’effet est très limité et éphémère. En général, au bout de 2 à 3 semaines, les raccourcis s’effacent."