Les élections européennes ne sont que dans dix-huit mois, pourtant elles occupent déjà le cœur des réflexions des mouvements politiques. À La République en marche! bien sûr, parti d'un président qui a fait du renforcement de l'Union européenne un axe de campagne majeur. Mais aussi au sein de La France Insoumise comme du Front national, où l'échéance de 2019 apparaît comme une occasion rêvée de s'arroger le costume du meilleur opposant à Emmanuel Macron et sa politique.
Une nouvelle bipolarisation. Marine Le Pen a parfaitement résumé sa vision du scrutin et de ses enjeux pour le FN dimanche, sur Europe 1. Pour les européennes, "il faut que nous arrivions à former un pôle de rassemblement de ceux qui défendent la Nation, pour combattre la vision post-nationale de LREM et ses alliés", a-t-elle expliqué. "Là, vous aurez à nouveau une bipolarisation de la vie politique française, selon un clivage mondialistes/nationaux."
Le Front national mise donc sur le vote de 2019 pour s'imposer comme la première force d'opposition à LREM. Place que le parti n'avait pas su prendre après l'arrivée de sa candidate au deuxième tour de la présidentielle, en échouant à constituer ne serait-ce qu'un groupe à l'Assemblée nationale.
"Duel avec les eurobéats de LREM". Du côté de LFI, l'objectif est le même : "mettre en scène le duel entre les eurobéats de LREM et nous", souffle le député Adrien Quatennens. Le mouvement part de moins loin que le Front national, puisque lui a réussi à se tailler la part du lion dans les discussions parlementaires. En opposition plus frontale, par rapport à une droite qui pouvait trouver des points d'accord avec la majorité, plus audible qu'un groupe d'anciens socialistes sonnés par leur défaite, LFI a arraché le titre d'opposant parlementaire le plus en vue. Grâce à des effets de manche et des paquets de pâtes, grinceront leurs adversaires, en allusion à ce jour où Alexis Corbière et Jean-Luc Mélenchon ont sorti 5 euros de courses sur les bancs de l'Assemblée pour protester contre la baisse des APL. Quoi qu'il en soit, cela a marché. Et LFI ne compte pas s'arrêter en si bon chemin.
" Les européennes, c'est l'occasion de reposer un vrai débat, lors duquel le FN peut, et doit, agréger des gens de gauche. "
"Les autres ne proposent que des accommodements". Si l'objectif est le même, les arguments affûtés, eux, sont différents. Du côté du Front national, on se targue d'avoir une position plus ferme vis-à-vis de Bruxelles. "On est les seuls anti-Union européenne", résume le député Sébastien Chenu. "Les autres ne proposent que des accommodements." Le plan pour, comme le dit Marine Le Pen, assurer "la persistance de la Nation" et "l'intégralité de ses protections", est composé de trois étapes. "D'abord, on récupère nos frontières", détaille un proche de la présidente frontiste. "Puis, on assure la primauté de nos lois sur les directives bruxelloises. Enfin vient la question de la souveraineté monétaire avec une nouvelle monnaie nationale, et non un retour au franc."
Ce sujet est sensible : il n'a jamais réellement été tranché pendant la campagne présidentielle, créant une impression de flottement sur le positionnement exact de Marine Le Pen, prise en défaut sur le sujet notamment lors du débat d'entre-deux tours. Logiquement, il n'arrive donc que dans un troisième temps. Pour rassurer sans se renier. Autre volet "rassurant" : le maintien des projets emblématiques européens, salués de toutes parts comme des réussites, tels qu'Airbus ou Erasmus. "La position n'a pas été claire pendant la présidentielle", reconnaît Sébastien Chenu. "Là, c'est l'occasion de reposer un vrai débat, lors duquel le FN peut, et doit, agréger des gens de gauche."
" Notre axe, c'est la souveraineté des peuples. Les défenseurs de l'idéal européen, c'est nous [la France Insoumise]. "
"La souveraineté des peuples". Chez LFI, en revanche, on a choisi un autre angle d'attaque. "Notre axe, c'est la souveraineté des peuples", explique Adrien Quatennens. "Les défenseurs de l'idéal européen, c'est nous." Les responsables du mouvement n'auront de cesse de rappeler que, selon eux, la souveraineté des peuples a été bafouée par le vote "non" à la Constitution de 2005, qui n'a "pas été respecté". Adrien Quatennens reconnaît qu'il y a un risque, celui de "se laisser polariser sur l'euroscepticisme". Or, LFI refuse d'apparaître comme un mouvement anti-Union européenne. "Jean-Luc Mélenchon n'a jamais dit que l'objectif était la sortie de l'Union européenne. Il veut que l'Union telle qu'on la connaît change."
Une volonté assortie d'un "plan B" : une "sortie unilatérale" de la France. "Mais ce n'est pas l'objectif", martèle Adrien Quatennens. "En réalité, on pourrait faire un parallèle avec l'arme nucléaire. Ce plan B, c'est de la dissuasion."
"Pompe aspirante pour LR et le PS". Dans le camp de Marine Le Pen comme dans celui de Jean-Luc Mélenchon, on se rejoint en revanche sur un point : les partis traditionnels ne sauront pas faire entendre leur voix dans le débat qui se prépare. "Le monde politique a changé, cette recomposition rebat les cartes. Alain Juppé va rejoindre Emmanuel Macron aux européennes", a prédit Marine Le Pen dimanche. Lui et une partie des Républicains feront donc partie des "mondialistes" auxquels la présidente du FN oppose les "nationaux, dont le FN est le chef de file". Adrien Quatennens, de son côté, ne fait pas grand cas de la droite et de la gauche traditionnelles. "Les européennes vont jouer le rôle de pompe aspirante pour LR et le PS. Il n'y aura pas de place pour ceux qui restent au milieu du gué."