Comment les militants LR veulent choisir le candidat pour la présidentielle 2022 ? Quels noms se détachent ? Le député Julien Aubert, à la tête du mouvement Oser la France et candidat malheureux contre Christian Jacob pour la présidence du parti en 2019, leur a posé ces questions. Une grande consultation à laquelle ont répondu près de 10.000 encartés chez Les Républicains. Europe 1 vous en dévoile les résultats, en exclusivité avec L'Opinion.
Près de 10.000 adhérents ont répondu
9.949 adhérents LR ont joué le jeu du questionnaire de Julien Aubert. Une photographie parcellaire mais un très bon échantillon tout de même pour un parti dont les troupes ont fondu comme neige au soleil ces dernières années. Début 2020, 58.000 adhérents étaient recensés chez LR. Et ce ne sont pas que les partisans du député du Vaucluse qui ont répondu à cette consultation : 56% disent avoir voté Christian Jacob en 2019, 29% pour Julien Aubert, 15% pour Guillaume Larrivé.
Si le député du Vaucluse a choisi de donner la parole aux adhérents de sa famille politique, c’est pour "aider la droite à se reconstruire". Selon lui, "c’est important de commencer par la première maille, le peuple, le corps électoral, pour voir quels sont ses attentes". Julien Aubert le reconnaît : "ça aurait pu être une idée poussée par la direction actuelle du parti. Mais comme ils ne l’ont pas fait, c’est moi qui l’ai fait". Des résultats qu’il met aujourd’hui volontiers "au pot commun" de la droite. Et qui risquent de faire parler dans son parti.
Avantage Retailleau
Les adhérents avaient le choix entre 6 candidats déclarés ou supposés : Xavier Bertrand (ex-LR, président de la région Hauts de France), Bruno Retailleau (président du groupe LR au Sénat), Valérie Pécresse (ex-LR, présidente de la région Ile de France), Guillaume Peltier (vice-président de LR et député du Loir-et-Cher), Philippe Juvin (maire de La Garenne Colombes et chef des urgences à l’hôpital Pompidou) et Rachida Dati (maire du 7e arrondissement de Paris et ancienne Garde des Sceaux). Dans cette consultation, c’est le patron des sénateurs Bruno Retailleau qui arrive en tête avec 12,6 % (1.254 voix), devant le président des Hauts de France Xavier Bertrand (10,1% - 1.008 voix).
Valérie Pécresse est en troisième position (3,4%, soit 338 réponses) devant Rachida Dati (2,4% soit 242 réponses). Les autres candidats mentionnés sont sous la barre des 2%. Comme il était possible de cocher plusieurs noms, au total 2.045 personnes sont tentées par Bruno Retailleau (33,2%) et 1.514 par Xavier Bertrand (25,3%).
Premier enseignement : si les élus LR sont nombreux à rejeter l’hypothèse Retailleau, jugé trop conservateur, l’histoire n’est pas la même du côté de la base militante. Deuxième enseignement : les adhérents ne sont pas trop rancuniers avec Xavier Bertrand, même s’il a claqué la porte du parti en 2017.
A la recherche de l'homme providentiel
Si le match est aujourd’hui polarisé autour des deux hommes, on est très loin du raz-de-marée en leur faveur. Bien au contraire. 29,2% des répondants n’envisagent ni Bruno Retailleau, ni Xavier Bertrand… voire espèrent un autre candidat que les 6 noms proposés. Car les adhérents pouvaient aussi donner le nom de leur candidat idéal : sans surprise, c’est Nicolas Sarkozy qui est le plus cité spontanément (1.110 voix). L’ancien chef de l’Etat, qui a redit vendredi soir avoir "tourné la page", arrive devant François Baroin – qui n’a pas l’intention d’être candidat (602 voix) et Laurent Wauquiez, l’ex-patron de LR replié sur sa région Auvergne Rhône Alpes après la déroute des élections européennes, en attendant peut-être un retour sur la scène nationale (562 voix).
Viennent ensuite Julien Aubert (421 voix) puis le général Pierre de Villiers, l’ancien chef d’Etat major des armées qui a démissionné de manière fracassante en juillet 2017 (357 voix). A noter que ces personnalités sont donc plus citées que certains candidats qui étaient proposés parmi les choix proposés à la base…
Les militants ne sont pas à court d’idées : ils mentionnent aussi François-Xavier Bellamy – tête de liste aux européennes qui n’a recueilli que 8,48% des suffrages (144 voix), Edouard Philippe –l’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron qui n’est plus membre de LR (76 voix), Christian Jacob –l’actuel patron de LR qui n’a aucune velléité de candidature à la présidentielle (65 voix). Il y a même 874 autres réponses ! Pléthore de noms qui prouvent que LR est en manque de leader naturel, incontesté pour la prochaine présidentielle. Les militants cherchent toujours un champion susceptible de leur rouvrir les portes de l’Elysée.
Haro sur la primaire ouverte
Mais il y a un sujet sur lequel il n’y a pas de débat : les militants LR interrogés rejettent en masse la primaire ouverte telle qu’elle s’est déroulée en 2016. Il suffisait de payer 2 euros pour participer. Sur les quelques 10.000 adhérents qui ont répondu au questionnaire, ils ne sont que 714 à vouloir le même système pour 2022 ! En revanche, ils sont 3.446 à choisir une primaire réservée aux seuls adhérents du parti, et 2.197 à accepter qu’elle aille jusqu’à certains mouvements proches de LR, comme Libres de Valérie Pécresse. 1.674 militants plaident pour une primaire semi-ouverte à des sympathisants de droite. A noter que cette dernière option recueille moins d’adhésion qu’un vote par un collège spécial composé du Conseil national de LR (le parlement du parti) et d’élus.
Les militants veulent donc clairement que le parti garde le contrôle. Des adhérents encore traumatisés par la primaire de 2016, qui a été un vrai succès populaire (plus de 4 millions d’électeurs) mais qui s’est achevée par le naufrage de François Fillon à la présidentielle. Des chiffres expliquent ce rejet de la primaire version 2016. Dans cette consultation, 46,5% des adhérents expliquent avoir voté pour Nicolas Sarkozy au premier tour… alors que l’ancien président n’a obtenu que 20,7% à la primaire de 2016 et n’a pas été qualifié pour le second tour. Plus le corps électoral est ouvert, moins le noyau dur a la main sur le choix.
Des données qui pourront inspirer le parti qui doit réfléchir à cette épineuse question : comment choisir le candidat pour porter les couleurs de la droite en 2022 ? Alors que la primaire ouverte figure encore dans les statuts, LR cherche un nouveau système de départage, faute de candidat naturel. Julien Aubert a déjà transmis les résultats au président du Sénat Gérard Larcher, très impliqué pour préparer le futur mode de désignation.
Une alliance avec les centristes privilégiée
Julien Aubert a aussi invité les adhérents LR à se prononcer sur les alliances souhaitées. Et le soupçon de droitisation de la base militante ne semble pas fondé au regard des résultats. C’est en effet l’allié historique centriste qui arrive en tête : 37,8% des adhérents interrogés plaident pour faire front commun avec Les Centristes d’Hervé Morin et l’UDI de Jean-Christophe Lagarde.
Même si un nombre non négligeable de militants se prononce pour des alliances plus à droite : 23,9% regardent du côté du mouvement de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et 13,4% du côté du Rassemblement National. Alors que la direction du parti, et globalement les élus LR, rejettent tout rapprochement avec le parti de Marine Le Pen.
En revanche, l’alliance avec La République en Marche et le Modem ne recueille qu’une infime adhésion : à peine 3% des militants interrogés ont choisi cette option ! Il faut dire que le pillage de LR par Emmanuel Macron -avec la nomination à Matignon d’Edouard Philippe, puis de Jean Castex, sans oublier les ministres Gérald Darmanin ou encore Bruno Le Maire- a porté un coup sévère au parti de droite.